L’Espagne s’apprête à tourner la page sur l’un de ses programmes d’immigration les plus controversés : le Golden Visa (visa doré). Dès janvier 2025, le pays cessera d’accorder des permis de séjour en échange d’investissements financiers, mettant ainsi fin à une option prisée par de nombreux investisseurs internationaux. Depuis son lancement en 2013, ce programme a attiré des milliers d’étrangers fortunés, attirés par la possibilité d’obtenir un permis de résidence en investissant un minimum de 500 000 € dans le marché immobilier espagnol. Mais le Golden Visa n’a pas eu que des effets positifs et a fini par contribuer à des problèmes sociaux et économiques bien plus complexes.
Pour beaucoup d’Espagnols, le visa doré a amplifié la crise du logement en contribuant à la hausse rapide des prix immobiliers dans plusieurs villes et régions du pays. L’augmentation de la demande, alimentée en grande partie par les investisseurs internationaux, a entraîné une flambée des prix qui rend l’accès à la propriété de plus en plus difficile pour les résidents locaux. Dans certaines régions, les prix de l’immobilier se sont envolés, exacerbant ainsi les inégalités et alimentant les tensions sociales. Face à cette situation, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a annoncé la décision de supprimer ce visa doré, évoquant la nécessité de redonner aux Espagnols l’accès à un logement abordable.
« Je tiens à annoncer que le Conseil des ministres va étudier un rapport présenté par le ministre du Logement des Programmes urbains pour modifier la loi, approuvée par le Parti populaire en 2013, qui permet d’obtenir un visa de résidence si vous investissez dans le logement dans notre pays », a déclaré Pedro Sanchez. Cette annonce marque un changement de cap pour l’Espagne, qui rejoint ainsi plusieurs autres pays européens, dont le Portugal, dans leur volonté de réduire l’impact des programmes de résidence par investissement.
La décision espagnole fait également écho aux recommandations de l’Union européenne, qui appelle ses États membres à reconsidérer ces programmes en raison des risques qu’ils présentent. Ces dispositifs, bien qu’avantageux pour les investisseurs, sont régulièrement pointés du doigt pour leur manque de transparence. Certains experts estiment que le Golden Visa peut faciliter les transactions douteuses, y compris des pratiques de blanchiment d’argent et de corruption. L’abandon de ce programme par l’Espagne répond donc à une double pression, à la fois interne, avec le soutien du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), et externe, avec l’Union européenne qui encourage les États à revoir leurs pratiques d’octroi de permis de résidence.
Fait intéressant, cette suppression annoncée a provoqué une réaction inattendue : une hausse soudaine des demandes de Golden Visa. Alors que la fin du programme approche, de nombreux investisseurs étrangers se précipitent pour obtenir leur permis avant que cette porte ne se referme définitivement. En août dernier, Juan Carlos Lois, spécialiste en mobilité internationale, a rapporté que l’Espagne recevait chaque jour des demandes pour ce programme, avec un volume de requêtes trois fois supérieur à celui observé l’année précédente. Cette ruée reflète l’attrait persistant de l’Espagne en tant que destination d’investissement et témoigne de l’opportunité perçue par les étrangers de sécuriser un statut de résident avant la fermeture du programme.
La fin du Golden Visa pourrait redistribuer les cartes en Europe. La dynamique de compétitivité entre les pays européens pour attirer des investisseurs fortunés est bien réelle, chacun ajustant ses conditions pour séduire cette clientèle spécifique. Eka Rostomashvili, coordinatrice de Transparency International en Espagne, met en garde contre cet « alignement vers le bas » : « Pour rester compétitifs – un problème sérieux dans tous les États membres de l’UE – nous assistons à un nivellement par le bas en termes de normes, les pays se faisant concurrence pour offrir des conditions favorables aux investisseurs ». Sa déclaration souligne les risques d’une compétition sans garde-fou où les États pourraient assouplir leurs règles au détriment de la transparence et des intérêts de la population locale.
Pour de nombreux Espagnols, la fin du Golden Visa est une victoire et un espoir de voir le marché immobilier se stabiliser. Le pays tourne ainsi une page controversée de son histoire récente en matière d’immigration, en choisissant de mettre en avant les besoins de sa population avant ceux des investisseurs étrangers. Reste à savoir si cette décision réussira à freiner la crise du logement et à contenir les prix de l’immobilier ou si d’autres mesures devront être envisagées pour alléger la pression sur le marché.
En janvier 2025, l’Espagne cessera ainsi d’offrir des permis de séjour en échange d’investissements. Une décision qui marque la fin d’une ère, tout en laissant en suspens les nombreuses questions sur l’avenir des politiques de résidence par investissement en Europe et leur impact sur les populations locales.
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