Dans un jugement rendu le 22 septembre 2025, le tribunal administratif de Nantes a annulé une décision de refus de visa qui avait été prise à l’encontre d’un ressortissant algérien. Cette affaire illustre à quel point les décisions administratives concernant les visas peuvent être complexes, mais également la manière dont elles peuvent être contestées et annulées par les juridictions compétentes. Le cas concernait un Algérien, désigné dans la procédure sous les initiales M. KL, qui avait sollicité un visa d’établissement en qualité de conjoint d’une ressortissante française. Le consul de France à Oran avait refusé cette demande le 6 novembre 2023, en estimant que le projet d’installation du demandeur n’était pas suffisamment solide et en émettant des doutes sur la sincérité de sa démarche. La décision du consul de France à Oran fut contestée, et le dossier est arrivé devant le tribunal administratif de Nantes, qui a finalement donné raison au requérant. C’es en effet ce que détaille Maitre Fayçal Megherbi, dans une contribution transmise à la rédaction de DNAlgérie.
Le litige remonte à une requête déposée le 25 janvier 2024. Dans ce document, M. KL demandait l’annulation de la décision du consul de France à Oran qui lui avait refusé le visa de long séjour. Il réclamait également qu’une injonction soit faite au ministère de l’Intérieur afin de lui délivrer le visa dans un délai d’un mois après la notification du jugement, sous peine d’une astreinte financière de 200 euros par jour de retard. L’argumentation principale du demandeur reposait sur deux points : d’une part, il insistait sur le fait que son projet d’installation en France n’avait aucun caractère frauduleux et qu’il relevait de son droit en tant que conjoint de française ; d’autre part, il affirmait que la décision du consul de France à Oran méconnaissait les stipulations de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qui protège le droit au respect de la vie privée et familiale.
En réponse, le ministre d’État, ministre de l’Intérieur, a présenté un mémoire en défense enregistré le 17 février 2025. Dans ce document, l’administration française demandait le rejet de la requête, estimant que les arguments de M. KL n’étaient pas fondés et que la décision initiale devait être confirmée. Cependant, au cours de l’instruction, les parties ont été informées par une lettre datée du 27 juin 2025 qu’un moyen d’office pouvait être relevé : celui de l’incompétence de l’auteur de la décision contestée. En d’autres termes, il s’agissait de savoir si le sous-directeur des visas était réellement compétent pour statuer sur un tel recours, compte tenu de la nature du visa sollicité.
Le tribunal a alors analysé la procédure et rappelé les textes applicables. Selon l’article D. 312-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il existe deux types de recours administratifs préalables obligatoires : la commission de recours contre les refus de visas d’entrée en France, compétente pour les visas de long séjour, et la sous-direction des visas, compétente pour les visas de court séjour. Or, dans cette affaire, M. KL avait expressément demandé un visa d’établissement en tant que conjoint d’une ressortissante française, ce qui correspond juridiquement à un visa de long séjour. Pourtant, le recours avait été traité par le sous-directeur des visas, qui n’était pas compétent pour ce type de demande. Le tribunal administratif de Nantes a donc conclu que la décision du 15 janvier 2024, par laquelle le sous-directeur des visas avait confirmé le refus du consul de France à Oran, était entachée d’incompétence et devait être annulée.
Cette conclusion a des conséquences juridiques importantes. En annulant la décision, le tribunal a donné gain de cause à M. KL, qui voit ses droits reconnus en tant que conjoint de française. Le visa qu’il sollicitait lui permettra de rejoindre son épouse en France et d’y vivre légalement. Pour le consul de France à Oran, cette décision rappelle que les refus de visa ne peuvent pas être pris ou confirmés sans respecter strictement les règles de compétence et de procédure prévues par la loi. L’affaire met également en lumière le rôle du tribunal administratif de Nantes, qui est compétent pour traiter un grand nombre de contentieux relatifs aux refus de visas.
Le jugement du 22 septembre 2025 s’appuie donc sur une analyse fine de la répartition des compétences administratives. Le tribunal a rappelé que les recours contre les décisions de refus de visa de long séjour doivent impérativement être examinés par la commission de recours placée auprès du ministre des Affaires étrangères et du ministre de l’Intérieur. En conséquence, le recours de M. KL ne pouvait pas être valablement examiné par le sous-directeur des visas, ce qui rendait la décision nulle et non avenue.
Au-delà de l’aspect purement juridique, cette affaire illustre les difficultés que rencontrent de nombreux Algériens lorsqu’ils sollicitent un visa de long séjour, notamment au titre du regroupement familial ou du mariage avec un ressortissant français. Le consul de France à Oran est régulièrement saisi de ce type de demandes, et ses décisions peuvent avoir un impact majeur sur la vie privée et familiale des personnes concernées. L’annulation de ce refus démontre que la vigilance des juridictions est indispensable pour garantir le respect des droits fondamentaux des demandeurs, et pour rappeler que l’administration doit se conformer strictement aux textes en vigueur.
La portée de ce jugement dépasse donc le cas individuel de M. KL. Il envoie un message clair aux autorités consulaires et administratives : le respect des règles de compétence est une garantie essentielle des droits des étrangers, et toute décision prise en violation de ces règles s’expose à être annulée. En annulant la décision contestée, le tribunal administratif de Nantes réaffirme également l’importance des engagements internationaux de la France, notamment en matière de protection du droit au respect de la vie familiale, tel que garanti par la Convention européenne des droits de l’homme.
Le consul de France à Oran, dont la décision a été annulée, se trouve ainsi au centre d’un rappel à l’ordre judiciaire qui pourrait concerner d’autres cas similaires. Pour les demandeurs algériens, cette décision est un signe encourageant : elle montre qu’il est possible de faire valoir ses droits devant la justice française et d’obtenir réparation en cas de décision injustifiée ou illégale. Pour les praticiens du droit, notamment les avocats spécialisés dans le contentieux des visas, cette affaire constitue un précédent utile qui pourra être invoqué dans d’autres procédures.