Le Journal du Dimanche a récemment publié une enquête qui jette un pavé dans la mare en suggérant que l’Algérie ruinerait la France en raison du développement des vols entre les deux pays, notamment depuis les petits aéroports régionaux. Dans cet article intitulé « L’essor des vols vers l’Algérie depuis les petits aéroports français… aux frais du contribuable », le journal avance que les vols à destination de l’Algérie se multiplient avec le soutien de financements publics, ce qui constituerait un déséquilibre économique nuisible pour les contribuables français. Pourtant, à y regarder de plus près, cette accusation paraît à la fois démesurée et déconnectée des réalités économiques et diplomatiques.
Le lien entre la France, les vols aériens et l’Algérie est d’une nature bien plus complexe que ce que laisse entendre le papier du JDD. Dans sa version la plus simpliste, l’article présente l’Algérie comme un facteur de déficit pour les aéroports français. Il y est notamment indiqué : « Six nouvelles lignes ont été créées depuis le début de l’année, portant à 120 le nombre de vols par jour de part et d’autre de la Méditerranée contre 66 en 2022. » L’augmentation du nombre de vols entre la France et l’Algérie est un fait objectif, mais il faut surtout y voir une réponse à la forte demande, notamment due à la diaspora algérienne présente sur le sol français, estimée à près de 2,7 millions de personnes.
Le développement de ces vols ne relève donc pas d’un caprice budgétaire, mais d’un besoin structurel. Des lignes comme Paris-Alger, Marseille-Oran ou Lyon-Constantine sont hautement rentables pour les compagnies aériennes, qu’elles soient françaises ou algériennes. Prétendre que la France est victime de l’Algérie à travers ces liaisons revient à occulter les flux économiques, humains et culturels permanents entre les deux rives de la Méditerranée. Dans plusieurs cas, les vols entre la France et l’Algérie sont non seulement pleins, mais ils dégagent des bénéfices importants et maintiennent en activité des plateformes aéroportuaires régionales.
L’article du JDD évoque notamment la ligne Saint-Étienne – Bejaïa opérée par ASL Airlines France et dénonce les subventions locales, qualifiant même la situation d’« aérogouffre ». Pourtant, dans la même enquête, les autorités de l’aéroport affirment clairement que les redevances payées par la compagnie et le trafic généré permettront un retour sur investissement. Ce point de vue est confirmé par le syndicat mixte gestionnaire de l’infrastructure, qui affirme que cette liaison « participera à l’amélioration des recettes de l’aéroport ». Dès lors, il est difficile de justifier l’idée que l’Algérie appauvrirait la France simplement parce que des collectivités locales font le pari d’ouvrir des connexions aériennes.
La réalité est que la France, les vols et l’Algérie sont aujourd’hui liés par des impératifs économiques, démographiques et historiques. Des lignes comme Paris-Alger ou Marseille-Alger comptent parmi les plus denses du réseau international français. Le fait que certaines lignes secondaires soient soutenues par des aides locales n’a rien d’illégal ni de spécifique à l’Algérie. Ce type de soutien est monnaie courante dans le transport aérien européen et concerne aussi bien des lignes vers Porto, Marrakech ou Rome.
Il convient donc de remettre en perspective les critiques adressées dans cet article. S’il est légitime de s’interroger sur la gestion des fonds publics, encore faut-il le faire avec rigueur et sans céder à des raccourcis. Il est réducteur d’imputer à l’Algérie la responsabilité d’éventuelles pertes financières de petits aéroports français, alors que les vols entre la France et l’Algérie répondent à une forte demande, soutiennent l’activité économique locale et renforcent des liens anciens et persistants entre les deux pays.