Sous la pression de l’Observatoire international de surveillance des ressources naturelles du Sahara Occidental, la plateforme Airbnb a procédé à un changement significatif dans la manière dont elle répertorie les annonces d’hébergement dans cette région. Selon Western Sahara Resource Watch (WSRW), les références au Maroc ont été supprimées des offres situées dans plusieurs villes du Sahara Occidental, dont Laâyoune, Dakhla et Boujdour. Une mesure visible depuis quelques semaines, et qui a été rapportée pour la première fois par Africa Intelligence.
Airbnb, interpellée officiellement par WSRW le 13 juin 2025, a été appelée à corriger ce que l’ONG qualifie d’erreurs géographiques graves, contraires aux cartes officielles des Nations unies et aux décisions rendues par les juridictions internationales sur le statut du Sahara Occidental. L’organisation estime que la désignation de ces villes comme appartenant au Maroc contribuait à entretenir une confusion sur la souveraineté de ce territoire.
Dans sa lettre adressée à la direction d’Airbnb, WSRW ne se contentait pas de demander une simple modification des noms. Elle exhortait la plateforme à retirer complètement les logements, attractions et activités proposés dans cette zone qu’elle qualifie de territoire sahraoui occupé. Le Sahara Occidental figure sur la liste des territoires non autonomes établie par l’ONU depuis 1963 et reste au centre d’un contentieux de longue date entre le Maroc et le Front Polisario. Pour WSRW, la présence commerciale d’Airbnb dans ces régions ne fait que renforcer l’occupation.
La réponse d’Airbnb s’est limitée, pour le moment, à une mise à jour de ses intitulés géographiques. Les annonces de logements à Laâyoune, Boujdour ou Dakhla apparaissent désormais sans référence au Maroc. Ainsi, les utilisateurs qui cherchent à louer un hébergement dans ces zones via Airbnb ne verront plus ces villes listées comme faisant partie du royaume chérifien. C’est un changement notable, notamment en matière de lisibilité politique, pour une entreprise qui opère à l’échelle mondiale.
Le membre de WSRW Erik Hagen a salué cette modification, la considérant comme « une première étape » dans la bonne direction. Il appelle toutefois d’autres géants du secteur à faire de même. En particulier, WSRW cible les entreprises Expedia Group Inc et Booking Holdings Inc, qui continuent, selon elle, de proposer des offres situées dans les villes du Sahara Occidental tout en les présentant comme étant « au Maroc ». Dans son communiqué, l’ONG dénonce ces pratiques comme une forme de légitimation implicite de l’occupation.
Pour WSRW, les entreprises comme Airbnb ont une responsabilité. En promouvant le tourisme au Sahara Occidental occupé sans tenir compte du statut international du territoire, elles contribuent, selon l’ONG, à « normaliser l’occupation marocaine ». Les implications juridiques sont aussi soulevées par les militants, qui rappellent les arrêts rendus par la Cour de justice de l’Union européenne. Celle-ci a déjà statué à plusieurs reprises que le Sahara Occidental est un territoire séparé et distinct du Maroc, y compris sur les plans commercial et douanier.
L’enjeu dépasse le simple affichage cartographique. Depuis plusieurs années, le secteur du tourisme dans les villes sahraouies connaît une croissance soutenue. Airbnb, comme d’autres plateformes, a permis à des centaines d’annonces de se développer dans ces régions. Une dynamique que les défenseurs de la cause sahraouie voient d’un œil critique. Pour eux, le fait de proposer des logements ou des excursions dans ces zones sans mentionner la complexité du contexte géopolitique revient à nier les droits du peuple sahraoui.
Airbnb, en retirant la mention « Maroc » de ses pages dédiées au Sahara Occidental, semble avoir entendu une partie de ces critiques. Mais pour les observateurs engagés, cette modification reste insuffisante tant que les offres elles-mêmes demeurent en ligne. Les regards se tournent désormais vers Expedia, Hotels.com, Booking et d’autres leaders du voyage en ligne. L’enjeu est de taille : il s’agit pour les ONG de freiner ce qu’elles considèrent comme une exploitation économique d’un territoire non autonome au détriment de ses habitants.
La décision d’Airbnb marque ainsi un tournant symbolique dans le débat autour du Sahara Occidental. Dans un secteur mondialisé où la cartographie numérique a un impact direct sur la perception des territoires, chaque mot compte. Et dans ce cas précis, chaque référence au Maroc dans le Sahara Occidental peut devenir un sujet de controverses politiques, juridiques et éthiques. Airbnb, Sahara Occidental, géopolitique et tourisme se retrouvent ainsi, une fois de plus, étroitement liés.