Aéroport d’Alger : un voyageur commet l’irréparable avec du beurre

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Ce qui devait être un voyage ordinaire à destination des Émirats arabes unis s’est transformé en un véritable feuilleton judiciaire mêlant drogue, corruption et évasion spectaculaire. L’affaire défraie la chronique à Alger, où un étudiant universitaire de 24 ans, originaire de Constantine et connu sous les initiales « A.M Amine », a été arrêté à l’aéroport Houari Boumediene, pris en flagrant délit de tentative de trafic de substances illicites. Les agents des douanes de l’aéroport d’Alger, au cours d’un contrôle minutieux de ses bagages en février 2024, ont découvert environ 300 comprimés de type ecstasy, dissimulés avec ingéniosité dans des boîtes de beurre. Cette méthode visait clairement à masquer la présence des psychotropes pour les faire transiter discrètement vers Dubaï, où le jeune homme poursuivait ses études.

Mais le plus stupéfiant n’était pas tant la cachette insolite que la suite de l’affaire. Alors que les agents douaniers, exerçant à l’aéroport d’Alger, entamaient les premières démarches d’interrogatoire, le suspect ayant usé de beurre est parvenu à se volatiliser. Il aurait profité d’un moment de relâchement, alors que les douaniers étaient occupés à rédiger les procès-verbaux relatifs à la saisie de la marchandise prohibée, pour se réfugier dans les sanitaires de l’aéroport. De là, il aurait discrètement quitté les lieux sans alerter les autorités. Cette évasion n’était pas le fruit du hasard. L’enquête menée dans les heures qui ont suivi a permis d’établir l’existence d’une complicité interne. Une douanière aurait accepté la somme de 150 euros pour détourner l’attention, pendant qu’un second agent, identifié sous les initiales « S.S », aurait touché la somme de 7 millions de centimes, soit 70.000 dinars algériens, afin de faciliter la fuite du jeune trafiquant.

Alertées de sa disparition quelques heures après sa sortie précipitée de l’aéroport à bord de son véhicule personnel, les autorités ont étendu les recherches à l’échelle nationale. L’opération a rapidement permis de localiser et d’arrêter le fuyard dans la wilaya de Constantine, son lieu de résidence. Ce retour de flamme n’a cependant pas suffi à étouffer les ramifications de l’affaire. Le parquet de Dar El Beïda a ordonné l’ouverture d’une enquête approfondie, qui a débouché sur la mise en cause de huit agents des douanes, dont plusieurs cadres en poste à l’aéroport. Tous ont été inculpés, placés en détention provisoire par le juge d’instruction de la quatrième chambre, puis jugés pour corruption, perception d’avantages non justifiés et abus de fonction. Les peines prononcées à leur encontre ont varié selon le degré d’implication de chacun.

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Quant à l’étudiant, principal accusé dans cette affaire rocambolesque, il a d’abord écopé de cinq années de prison ferme. Cette sentence a toutefois été revue à la baisse en appel, avec une peine réduite à trois ans de réclusion. Un verdict qui n’a pas suffi à faire oublier les zones d’ombre qui entourent encore l’affaire, notamment les complicités internes et les failles sécuritaires mises à nu par cet épisode.

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Les éléments recueillis durant l’enquête ont mis en lumière une organisation minutieuse en amont du vol prévu. Une expertise électronique du téléphone portable de l’accusé a confirmé l’existence de contacts répétés avec un ami. Ce dernier, selon les messages vocaux et appels enregistrés, serait l’auteur de la remise de la drogue et de l’argent, afin de préparer le passage de la marchandise vers Dubaï. Cette collaboration entre les deux hommes semble avoir été mûrement réfléchie, avec l’intention manifeste de profiter de failles dans le dispositif de sécurité pour mener à bien leur plan.

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Le dossier du voyageur ayant opté pour la technique du beurre, désormais entre les mains de la justice, met en lumière non seulement la capacité d’inventivité de certains trafiquants mais aussi les risques de corruption qui gangrènent certaines institutions, y compris dans les zones aussi sensibles que l’aéroport international d’Alger. L’affaire continue d’alimenter les débats dans les couloirs judiciaires, et il est probable qu’elle serve d’exemple dans le renforcement des dispositifs de contrôle et des mécanismes anti-corruption. Quant au beurre, il restera à jamais entaché dans cette affaire d’un goût amer, celui d’une tentative désespérée d’échapper à la loi.