Ahmed Attaf sur Boualem Sansal : « n’accordez pas à cet homme plus qu’il ne mérite »

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Le nom de Boualem Sansal refait surface dans le débat public, non pas par ses écrits mais par la tourmente juridique et diplomatique qu’il a récemment traversée. Ce mardi 18 novembre, Ahmed Attaf, ministre des Affaires étrangères algérien, s’est exprimé pour la première fois sur l’affaire qui a tenu en haleine la scène franco-algérienne depuis près d’une année. Ses mots ont été précis, presque chirurgicaux : « N’accordez pas à cet homme plus qu’il ne mérite ». La déclaration a été prononcée lors d’une conférence de presse à Alger, marquant un point de rupture dans le silence des hautes instances gouvernementales autour de ce dossier.

L’écrivain franco-algérien, dont le parcours intellectuel est autant salué que controversé, avait été arrêté le 16 novembre 2024 à l’aéroport d’Alger, à son arrivée de Paris. Quelques semaines auparavant, il avait affirmé dans une interview au site Frontières que certaines parties de l’Ouest algérien appartiendraient historiquement au Maroc, propos qui ont suscité l’ire des autorités et provoqué une onde de choc dans les milieux politiques. La déclaration d’Attaf ne visait pas seulement à rappeler la gravité des accusations, mais aussi à encadrer symboliquement l’importance que l’État algérien entend donner à cet épisode.

Le ministre a tenu à relativiser l’impact de l’affaire sur les relations bilatérales. Selon lui, « les relations algéro-françaises sont plus grandes que cela ». Ces mots résonnent comme un rappel que la diplomatie se mesure sur des enjeux larges et complexes, et non sur des épisodes singuliers, même lorsqu’ils prennent une résonance médiatique considérable. Attaf a ainsi confirmé l’existence d’un « processus de contacts » entre Alger et Paris, signalant que le dialogue se maintient, malgré les tensions.

Boualem Sansal, qui a occupé des postes importants au ministère de l’Industrie en Algérie, se retrouve ainsi au centre d’une affaire mêlant droit, politique et relations internationales. Placé en détention provisoire, il avait été condamné en première instance le 27 mars à cinq ans de prison pour atteinte à l’intégrité du territoire national. Cette peine avait été confirmée par la Cour d’Alger le 1er juillet, en dépit des sollicitations françaises pour une grâce présidentielle. Le cas de Sansal illustre à quel point des déclarations publiques sur l’histoire et la géopolitique régionale peuvent se transformer en enjeux judiciaires et diplomatiques, surtout lorsqu’elles touchent à des questions sensibles comme la souveraineté territoriale.

La libération de Sansal, intervenue mercredi dernier, répond à une demande formulée par le président allemand Frank-Walter Steinmeier. Le président Abdelmadjid Tebboune a choisi d’accéder à cette requête afin de permettre à l’écrivain de poursuivre ses soins en Allemagne. Libéré le même jour, Sansal a voyagé vers Berlin avant de regagner Paris, où il a été reçu avec son épouse par le président Emmanuel Macron. Cette séquence illustre la dimension internationale de l’affaire, où soins médicaux, relations diplomatiques et image publique se croisent de manière complexe.

Le choix de la grâce et l’acheminement de Sansal vers l’Europe montrent également la manière dont les États gèrent des affaires sensibles : entre fermeté judiciaire et souplesse diplomatique, entre droit interne et pressions externes. Les déclarations d’Ahmed Attaf peuvent être lues comme un encadrement de l’interprétation publique : il ne s’agit pas de nier la gravité des faits, mais de rappeler que leur importance doit être relativisée par rapport aux relations bilatérales et aux intérêts stratégiques.

Ainsi, la sortie du ministre ne se limite pas à une simple réaction médiatique. Elle s’inscrit dans une logique de contrôle narratif, où la perception internationale de l’Algérie, sa souveraineté et sa relation avec la France sont autant en jeu que la situation d’un individu. Le message est clair : Boualem Sansal, malgré sa notoriété et le retentissement de ses écrits, ne doit pas devenir un symbole au-delà de ce que l’État algérien considère comme justifié.