L’année 2025 apporte une mauvaise surprise pour les Algériens résidant en France, en particulier à Lyon, où la préparation de l’Aïd al-Adha est assombrie par une crise inattendue. Une simple promenade dans les quartiers connus pour leur forte population algérienne a suffi à révéler l’ampleur du problème : la fête du sacrifice est menacée par des prix de moutons atteignant des sommets historiques. Selon des observations rapportées par « Echourouk », le coût d’un mouton a parfois grimpé jusqu’à 700 euros, une somme inabordable pour de nombreuses familles confrontées déjà à des difficultés économiques accrues et à une inflation persistante qui sévit depuis plusieurs années.
Sur la place Guichard, lieu emblématique proche du Café Algérie, plusieurs membres de la communauté algérienne ont exprimé leur désarroi. Beaucoup ont décidé de renoncer, cette année, au rituel du sacrifice, invoquant non seulement l’envolée des prix mais aussi des problèmes logistiques majeurs qui compliquent davantage la situation. Plutôt que de s’endetter ou de se priver, certains ont choisi une alternative pragmatique : envoyer de l’argent en Algérie pour y acheter une bête, qui sera ensuite offerte aux plus démunis, perpétuant ainsi l’esprit de solidarité propre à l’Aïd malgré les circonstances difficiles.
Lors de cette tournée faite par ledit média, une scène particulière a retenu l’attention : une enseigne, affichée devant une boucherie halal à proximité de la place Guichard, invitait les passants en arabe à réserver leur mouton pour l’Aïd al-Adha. Intrigués, les journalistes de Echourouk ont rencontré le propriétaire, un commerçant algéro-tunisien dont le père est originaire d’El Kala, dans la wilaya d’El Tarf. Celui-ci a expliqué que l’affiche datait de l’année précédente. À cette époque, la boucherie avait organisé une grande opération de vente et de distribution de moutons pour la communauté lyonnaise, un projet qu’il a malheureusement dû abandonner cette année face à la flambée vertigineuse des prix.
Hussein Mehdi, le propriétaire de la boucherie, a détaillé les raisons de cette hausse incontrôlée. Selon lui, tout a commencé avec la crise sanitaire du Covid-19, qui a fragilisé l’ensemble de la chaîne de production. La situation s’est ensuite aggravée avec la guerre entre la Russie et l’Ukraine, qui a provoqué une augmentation spectaculaire des prix des aliments pour bétail, impactant directement le coût final des moutons. Auparavant, il était possible d’acheter un mouton abattu, dépouillé et prêt après la prière de l’Aïd pour une somme comprise entre 200 et 280 euros, abats compris. Aujourd’hui, cette même prestation peut coûter entre 500 et 600 euros, voire atteindre 700 euros selon le poids de l’animal.
Les coûts ont explosé jusque dans les moindres détails. Hussein Mehdi précise qu’actuellement, le prix d’achat d’un kilogramme de viande de mouton français à l’abattoir est de 13 euros hors taxes, contre 16 ou 17 euros il y a quelques années en boucherie. En boutique, ce prix approche désormais les 22 euros le kilo, une évolution qui met à rude épreuve le pouvoir d’achat des familles algériennes, nombreuses à privilégier la qualité reconnue du mouton français.
Par le passé, sa boucherie vendait jusqu’à 300 moutons pour l’Aïd. Cette année, devant la gravité de la crise, il a été contraint de stopper cette activité saisonnière. Hussein Mehdi évoque avec compréhension les familles nombreuses, parfois composées de six à sept membres, dont le père ne dispose pas d’un emploi stable, et qui n’ont d’autre choix que de renoncer au sacrifice.
Un facteur logistique majeur a aussi contribué à cette désaffection. L’abattoir, autrefois situé à Lyon, a été déplacé à Saint-Étienne, une ville distante d’environ 100 kilomètres. Ce transfert a entraîné des frais supplémentaires pour les clients, entre les coûts de transport et les délais allongés, rendant l’opération plus complexe et coûteuse. Cette complication supplémentaire a dissuadé de nombreux acheteurs potentiels, amenant la boucherie à ne pas renouveler son service d’organisation d’achats groupés cette année.
À l’approche de l’Aïd al-Adha 2025, les Algériens établis en France, et particulièrement à Lyon, sont donc confrontés à un dilemme douloureux entre tradition et réalité économique, dans un contexte international toujours plus incertain.