La proposition du ministre Gérald Darmanin de mettre fin à l’usage de l’argent liquide en France a provoqué une onde de choc, notamment parmi les communautés concernées par les flux économiques quotidiens, comme les Algériens de France. En effet, l’argent liquide, en France, reste un mode de paiement encore très utilisé, surtout dans certains quartiers où les Algériens, habitués à la gestion manuelle de leurs finances, continuent de privilégier les espèces pour leur simplicité, leur immédiateté et leur anonymat.
Dans une déclaration faite devant la commission d’enquête du Sénat sur la délinquance financière, le ministre de la Justice a affirmé que la suppression de l’argent liquide permettrait de réduire significativement les points de deal. Selon lui, une grande partie des fraudes et activités délinquantes quotidiennes reposent sur l’argent liquide, qu’il estime être au cœur du financement de réseaux criminels. L’idée d’en finir avec l’argent liquide en France, notamment dans les zones dites sensibles où vivent de nombreux Algériens, suscite cependant des réactions contrastées.
Le lien direct établi entre la circulation d’argent liquide en France et le maintien des points de vente de drogue vise à rendre les échanges traçables et à complexifier la chaîne de distribution illégale. Pour les Algériens installés en France, souvent habitués à des transactions en espèces dans leur vie quotidienne, y compris pour des transferts familiaux, des achats de proximité ou des dons caritatifs, cette mesure est perçue par certains comme un changement radical. L’argent liquide en France, notamment chez les Algériens, est souvent perçu comme un outil de liberté économique, surtout pour ceux qui ne maîtrisent pas complètement le système bancaire ou qui s’en méfient, parfois en raison de mauvaises expériences passées ou de contraintes administratives.
Dans la communauté algérienne de France, l’argent liquide a aussi une dimension culturelle forte. Il est utilisé pour les mariages, les aides familiales, les petits commerces de proximité, ou encore les envois occasionnels d’argent vers l’Algérie. Une suppression complète de ce moyen de paiement toucherait directement les habitudes ancrées de nombreux Algériens, installés parfois depuis des décennies. Pourtant, selon la Banque de France, l’usage des espèces diminue : en 2024, pour la première fois, les paiements par carte ont dépassé les paiements en argent liquide. Seulement 14 % des Français privilégient encore les espèces comme mode de paiement principal. Toutefois, 60 % estiment qu’il est important de pouvoir continuer à utiliser du cash.
Les raisons évoquées sont claires : l’argent liquide permet un règlement immédiat, une meilleure gestion des dépenses et surtout, garantit l’anonymat. Ce sont précisément ces arguments qui, selon Gérald Darmanin, justifient sa suppression. Il affirme que l’anonymat offert par l’argent liquide en France, notamment dans les milieux où résident beaucoup d’Algériens, facilite le fonctionnement des activités illégales. En rendant chaque transaction traçable, à travers les cartes ou les cryptoactifs, le gouvernement espère ainsi couper l’herbe sous le pied aux trafiquants. Le ministre reconnaît toutefois que la mesure n’éliminera pas complètement le trafic de stupéfiants, mais elle en compliquera le financement, en ciblant le nerf de la guerre : l’argent liquide.
Si la mesure devait entrer en vigueur, elle marquerait un tournant dans la politique sécuritaire de la France. Mais elle interroge aussi sur l’impact sociétal d’une telle décision, notamment pour les Algériens qui vivent en France et pour qui l’usage de l’argent liquide fait partie du quotidien, voire du lien familial et culturel entre les deux rives de la Méditerranée. Supprimer l’argent liquide, c’est aussi bouleverser une organisation économique informelle mais fonctionnelle, qui repose sur la confiance et la discrétion. Entre volonté de sécurisation et réalités de terrain, cette proposition soulève un véritable débat, bien au-delà des seules considérations judiciaires.