Le paysage législatif français vient de connaître une transformation significative à la suite du vote au Sénat, le lundi 12 mai, d’un texte défendu par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, visant à retirer aux associations leur mission d’assistance juridique dans les centres de rétention administrative (CRA). Cette mesure initiée par Retailleau, adoptée à 227 voix contre 113, aura des conséquences concrètes sur les conditions d’accueil des étrangers en instance d’expulsion, notamment les Algériens, nombreux à résider en France sans titre de séjour régulier et donc particulièrement concernés par le placement en CRA.
La France, à travers cette décision portée par Retailleau, modifie profondément l’accès au droit pour les étrangers retenus, y compris les Algériens, en transférant cette mission autrefois déléguée à cinq grandes associations – parmi lesquelles France Terre d’Asile, La Cimade, Forum Réfugiés – à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), structure directement placée sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. Selon le ministre Retailleau, ces associations, en intervenant auprès des personnes retenues, auraient selon lui outrepassé leur rôle initial en se comportant comme des acteurs militants, parfois en opposition ouverte à l’action de l’État. Une critique récurrente de la part du gouvernement, qui voit dans cette réforme un moyen de reprendre le contrôle des CRA, tout en promettant plus de neutralité et des économies à hauteur de 6,5 millions d’euros.
Ce changement structurel intervient dans un climat tendu où les Algériens en France font l’objet d’une attention particulière. Le lien entre les CRA, les politiques migratoires répressives de la France et la communauté algérienne est désormais établi de manière presque automatique dans le discours politique. Nombre d’Algériens en situation irrégulière sont visés par des procédures d’éloignement, et la privation d’un accès indépendant au conseil juridique pourrait aggraver leur précarité juridique. En effet, les CRA ne sont pas seulement des lieux de rétention temporaire, mais aussi des espaces où l’exercice des droits est souvent difficile sans accompagnement.
Retailleau, figure de proue de la droite, a justifié ce recentrage sur l’État par la nécessité de rationaliser les dépenses publiques et d’assurer une meilleure efficacité de l’action administrative. La mission de conseil juridique serait ainsi désormais partagée entre l’Ofii – pour l’information générale – et les avocats – pour l’assistance juridique spécifique –, excluant de fait les associations. Cette nouvelle architecture ne fait pas l’unanimité.
Du côté des opposants, notamment à gauche, la mesure a été perçue comme un recul des droits fondamentaux, une attaque ciblée contre la capacité des personnes retenues à se défendre efficacement. Ian Brossat, sénateur communiste de Paris, a dénoncé un texte qui « organise la régression du droit des enfermés à disposer d’une information indépendante, neutre et effective ». Les cinq associations concernées ont, de leur côté, publié une tribune dans Le Monde, dénonçant une atteinte directe à la transparence démocratique et aux principes de liberté et d’équité dans l’accès à la justice.
Ce projet s’inscrit dans un contexte législatif plus large, où d’autres mesures restrictives sont également en discussion : allongement de la durée maximale de séjour en rétention administrative de 90 à 210 jours, conditions renforcées d’accès aux prestations sociales pour les étrangers, ou encore critères plus rigides pour le regroupement familial. La France, sous l’impulsion de Retailleau, semble ainsi adopter une ligne de plus en plus dure à l’égard de l’immigration, avec un impact direct sur les Algériens en situation de vulnérabilité juridique et sociale.
La procédure d’adoption du texte est également notable : une procédure accélérée a été enclenchée par le gouvernement pour faire passer rapidement ce projet à l’Assemblée nationale, ce qui témoigne d’une volonté politique forte d’en finir avec la présence associative dans les CRA. Cette accélération, couplée à une stratégie de communication affirmée, montre à quel point Retailleau souhaite inscrire cette réforme dans une dynamique d’autorité et de contrôle, particulièrement à l’approche d’échéances électorales où les questions migratoires jouent un rôle central dans les débats publics en France, en lien notamment avec les Algériens et les communautés issues du Maghreb.