Algériens de France, titre de séjour : une restriction de Retailleau suspendue

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La politique migratoire menée par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau subit un sérieux revers. En France, notamment à Nantes, une décision judiciaire vient de suspendre une mesure jugée illégale par plusieurs organisations, remettant ainsi en cause une pratique de fichage ciblée visant des étrangers, dont de nombreux Algériens de France étaient susceptibles d’être affectés, par la nouvelle mesure controversée mise en place par Retailleau. À l’origine de cette suspension, une « note » interne de la direction interdépartementale de la police nationale en date du 20 novembre 2024, dont les effets étaient bien plus larges qu’il n’y paraît.

Cette note de service demandait explicitement aux forces de l’ordre de collecter des données détaillées à propos des étrangers interpellés, même lorsqu’ils étaient en situation régulière. Les policiers devaient ainsi transmettre à la préfecture, par e-mail, une fiche contenant l’identité de la personne, le motif de l’interpellation, ainsi que les suites judiciaires envisagées. Cette directive s’inscrivait dans le prolongement d’une circulaire nationale émise par Bruno Retailleau dès octobre 2024. Dans celle-ci, il était exigé des préfets qu’ils soient informés « régulièrement et rigoureusement » de tout élément « susceptible de caractériser un risque pour l’ordre public ». L’objectif assumé était clair : faciliter le retrait ou la dégradation des titres de séjour dès qu’un incident survenait.

La mesure a immédiatement suscité l’indignation de nombreuses associations et syndicats. La Cimade, le Syndicat des avocats de France et l’Association de défense des libertés constitutionnelles, entre autres, ont saisi la justice administrative en Loire-Atlantique pour contester cette pratique. Le tribunal administratif de Nantes leur a donné raison le 4 avril dernier, considérant que ce fichage contrevenait à plusieurs principes fondamentaux du droit. La justice a ordonné la suspension immédiate de la note, pointant son caractère illégal.

Le dossier ne s’arrête pas là. En Seine-Saint-Denis, une pratique similaire a été révélée, ce qui laisse penser que cette politique de fichage n’était pas limitée à un seul département mais s’inscrivait dans une directive plus vaste et coordonnée. La suspension prononcée à Nantes pourrait donc faire jurisprudence, entraînant une remise en question plus large des méthodes mises en œuvre par le ministère de l’Intérieur dans le cadre de sa politique migratoire.

Le contexte de cette décision est à mettre en parallèle avec les intentions affichées de Bruno Retailleau. Depuis sa prise de fonction, le ministre a multiplié les déclarations sur la nécessité de lutter contre l’« impossibilisme administratif » en matière migratoire. La circulaire d’octobre 2024, dont découle la note aujourd’hui suspendue, visait précisément à accélérer les procédures d’éloignement, en identifiant au plus vite les étrangers potentiellement expulsables. Cette stratégie de Bruno Retailleau s’est souvent heurtée à la complexité des situations individuelles et au respect du droit, notamment pour les ressortissants en situation régulière, comme de nombreux Algériens établis en France.

Pour la communauté algérienne de France, particulièrement nombreuse et impliquée dans la vie sociale et économique du pays, cette suspension judiciaire représente un soulagement mais aussi une alerte. Elle rappelle que certaines mesures peuvent être mises en œuvre sans réel débat public, et que leur application peut rapidement dériver vers des atteintes aux libertés fondamentales. Ce sont souvent ces populations qui en subissent les premières conséquences.

La décision du tribunal administratif de Nantes souligne également la vigilance des contre-pouvoirs dans un État de droit. Les associations mobilisées ont mis en lumière l’opacité de certaines directives administratives et leur possible incompatibilité avec les droits garantis par la loi. Leur recours a permis d’interrompre, du moins temporairement, une dérive qui risquait d’instaurer un climat de suspicion généralisée à l’encontre des étrangers, même parfaitement en règle.

Reste à savoir quelle sera la réponse du ministère de l’Intérieur face à cette suspension. Bruno Retailleau n’a pas encore commenté officiellement la décision de la justice administrative. Dans les préfectures concernées, le flou demeure sur la suite des opérations. Le ministre tentera-t-il de réécrire la directive de manière à contourner les critiques juridiques ? Ou bien s’agira-t-il d’un recul tactique dans une politique qui, malgré les suspensions, conserve ses objectifs initiaux ?

Pour l’heure, les organisations de défense des droits restent mobilisées, prêtes à dénoncer toute tentative de réinstaurer sous une autre forme la même politique. Pour les Algériens de France, cette affaire illustre combien les politiques migratoires peuvent rapidement empiéter sur leurs droits, et combien il est essentiel de maintenir une vigilance constante sur la légalité des actions entreprises par le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau.