Après 20 ans en France, il perd son titre de séjour de 10 ans 

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Après avoir passé plus de vingt années en France, un ressortissant marocain a vu son avenir bouleversé par une décision administrative inattendue. Son titre de séjour, un document qui lui permettait de vivre et travailler légalement en France depuis de longues années, a été retiré par la préfecture du Val-de-Marne. Cette affaire, transmise à la rédaction de DNAlgérie par Me Fayçal Megherbi, avocat spécialisé en droit des étrangers, soulève de nombreuses questions sur l’interprétation des lois relatives aux étrangers, sur la procédure administrative, ainsi que sur les droits fondamentaux de la personne concernée.

Selon les éléments fournis, ce ressortissant résidait en France depuis 1999. Père d’un enfant français et exerçant un métier considéré comme étant en tension dans l’économie française, il bénéficiait jusqu’au 14 février 2025 d’un titre de séjour de 10 ans. Ce titre de séjour, délivré par la préfecture, lui assurait une certaine stabilité en France, tant sur le plan professionnel que familial. Mais à l’approche de son renouvellement, tout a basculé.

L’origine du retrait de ce titre de séjour remonte à un divorce douloureux. Lors de cette séparation, des accusations de violences conjugales ont été portées contre lui. Condamné à une peine de sept mois de prison avec sursis, sans aucune mesure de sûreté ni interdiction complémentaire, l’homme se pensait néanmoins à l’abri d’une mesure aussi extrême que le retrait de son titre de séjour. Pourtant, c’est précisément sur cette base que la préfecture a décidé de ne pas renouveler la carte de résident.

Dans une décision rendue le 14 avril 2025, notifiée le 9 mai 2025, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande de renouvellement du titre de séjour. La justification ? Il était « défavorablement connu des services de police et de justice » en raison de sa condamnation pour violences en présence d’un mineur. À la même occasion, l’intéressé a été convoqué pour se voir remettre une autorisation provisoire de séjour. Toutefois, cette convocation est intervenue si tard qu’il n’a pas pu s’y rendre, et aucune autre date ne lui a été proposée. Ce manquement administratif a conduit à la suspension de son contrat de travail.

Dès le 17 juin 2025, l’intéressé, que nous appellerons M. KM, a saisi le tribunal administratif de Melun. Dans sa requête en référé, il a demandé la suspension de la décision de refus du renouvellement de son titre de séjour, et l’obtention d’un document lui permettant de continuer à vivre et travailler légalement en France. Il appuie sa demande sur l’urgence de sa situation, et sur l’illégalité de la décision qui n’a pas respecté plusieurs obligations de procédure.

D’abord, son avocat pointe l’absence de saisine de la Commission du titre de séjour. « Une telle commission doit impérativement être consultée », insiste-t-il, dès lors qu’il s’agit d’un refus fondé sur une appréciation de la situation personnelle de l’intéressé et non sur une menace avérée et grave pour l’ordre public. Le fait que la préfecture ait ignoré cette étape essentielle constitue une atteinte grave au droit à une procédure équitable.

Ensuite, il invoque l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui garantit à chacun le respect de sa vie privée et familiale. « Le simple fait d’avoir été condamné à une peine avec sursis, dans un contexte privé et exceptionnel, ne suffit pas à qualifier la présence de M. KM sur le territoire français de menace à l’ordre public », plaide l’avocat. Selon le juge, les faits reprochés sont isolés, sans risque de récidive, et ne justifient pas une sanction aussi radicale que le refus du renouvellement du titre de séjour.

Enfin, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise bien qu’en l’absence de menace grave pour l’ordre public, une carte de résident est renouvelable de plein droit. Le juge des référés, dans son ordonnance du 21 juillet 2025, relève ainsi un « doute sérieux sur la légalité de la décision », ce qui, conjugué à l’urgence manifeste, justifie la suspension de l’exécution de l’arrêté préfectoral.

À ce titre, il est important de rappeler que ce titre de séjour est bien plus qu’un simple document administratif. Il est l’unique lien officiel entre la France, le pays d’accueil, et la personne étrangère. Pour M. KM, ce titre de séjour représentait 26 années de vie, d’intégration, de travail, d’efforts, de contributions fiscales et sociales en France. Le priver de ce titre de séjour revient à remettre en cause toute cette histoire personnelle, bâtie jour après jour sur le sol français.

La décision du juge est donc lourde de sens. Elle ordonne au préfet de délivrer à M. KM une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de 15 jours. Ce document devra être renouvelé de manière continue jusqu’à la décision définitive sur l’annulation de l’arrêté du 14 avril 2025. Il est aussi enjoint à l’administration de réexaminer entièrement la situation de M. KM dans les deux mois.

Ce cas pose de manière plus large la question du rapport entre l’autorité administrative et les droits individuels des étrangers installés depuis longtemps en France. Un titre de séjour, surtout lorsqu’il s’agit d’un titre de séjour de 10 ans, octroyé après de nombreuses années de présence, crée des droits et des attentes légitimes. En France, l’équilibre entre l’ordre public et les droits fondamentaux doit être respecté. La justice administrative l’a rappelé fermement ici.

Comme le souligne Me Fayçal Megherbi : « Les étrangers en France qui bénéficient d’un titre de séjour de 10 ans ont aussi droit à une stabilité, à un respect de leur parcours de vie. Une condamnation ponctuelle, dans un cadre privé et dramatique, ne doit pas effacer vingt années de vie en France. » Cette phrase, prononcée avec gravité, reflète une réalité complexe que les juridictions tentent d’arbitrer au cas par cas.

Ce cas de M. KM n’est pas isolé. De nombreux étrangers vivant depuis longtemps en France, titulaires d’un titre de séjour de 10 ans, se retrouvent parfois confrontés à des procédures qui remettent en cause leur droit à rester. La France, pays de droit, offre heureusement des voies de recours. Mais encore faut-il avoir la possibilité, les moyens et le temps d’y avoir accès.

Ce que cette affaire illustre, c’est l’importance capitale des garanties procédurales dans les décisions affectant les titres de séjour. L’absence de saisine de la commission, l’appréciation subjective d’une menace à l’ordre public, le non-respect des délais ou convocations, sont autant d’éléments qui peuvent changer le cours d’une vie. La justice, en suspendant cette décision, a réaffirmé que même un étranger, même condamné à une peine avec sursis, ne saurait être privé de son titre de séjour sans un examen complet, respectueux de ses droits.

Au terme de cette procédure, M. KM bénéficie donc d’une protection temporaire. Mais l’affaire n’est pas close. Il faudra attendre le jugement sur le fond pour savoir si son titre de séjour lui sera définitivement restitué ou non. D’ici là, il est autorisé à rester en France, à y exercer une activité professionnelle, à continuer de s’occuper de son enfant, à vivre, tout simplement.