Le climat diplomatique entre la France et l’Algérie vient une fois de plus d’être mis à l’épreuve. En toile de fond, la détention en Algérie de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, accusé d’atteinte à la sûreté de l’État pour des propos controversés sur le colonialisme et la répartition territoriale en Afrique du Nord. Depuis son arrestation en novembre dernier, l’affaire suscite une vive attention médiatique et politique, mettant en lumière les tensions historiques et contemporaines entre les deux pays. Ce mercredi 18 décembre, Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur du gouvernement démissionnaire de Michel Barnier, a exprimé une position à la fois prudente et résolue lors de son intervention sur BFMTV.
Dans une déclaration teintée de fermeté, Retailleau a rappelé que la discrétion est souvent la meilleure approche pour résoudre ce type de crise. Toutefois, il n’a pas hésité à brandir des menaces implicites, évoquant la possibilité de suspendre les visas pour les citoyens algériens et de réviser l’accord migratoire franco-algérien de 1968. Pour Retailleau, la coopération est une condition sine qua non pour maintenir des relations bilatérales équilibrées. « Quand il n’y a pas de coopération, moi, je suis pour un blocage d’une façon très nette », a-t-il déclaré. Une position qui marque un changement de ton par rapport à la ligne généralement prudente adoptée par l’exécutif français dans ses rapports avec Alger.
L’affaire Boualem Sansal prend une dimension personnelle pour le ministre, qui a souligné son amitié avec l’écrivain. « Quelques jours avant qu’il ne soit enlevé, je correspondais par SMS avec Boualem Sansal pour convenir d’une date pour un déjeuner ou un dîner. Donc, c’est quelque chose qui me touche profondément », a confié Retailleau. Ce lien personnel semble renforcer sa détermination à obtenir la libération rapide de l’auteur, tout en gardant une approche pragmatique. Il a insisté sur le fait que la France faisait tout son possible pour résoudre cette situation, tout en précisant que la discrétion restait essentielle pour parvenir à un résultat concret.
Les propos de Sansal, qui ont conduit à son arrestation, continuent de faire débat. Ses déclarations sur un média français d’extrême-droite, affirmant que le colonialisme français aurait arbitrairement avantagé l’Algérie au détriment du Maroc, ont été perçues comme une provocation dans un contexte déjà tendu. Pour Alger, il s’agit d’une atteinte directe à l’intégrité du territoire national. Pour Paris, l’enjeu est double : défendre un citoyen tout en évitant d’aggraver une relation bilatérale déjà marquée par des différends sur la mémoire coloniale et les enjeux migratoires.
La position de Bruno Retailleau illustre une volonté de durcir le ton envers Alger, notamment sur les questions migratoires. Il s’est montré critique envers l’accord bilatéral de 1968, qu’il qualifie de « dérogatoire » et inadapté à la réalité actuelle. Cet accord, conçu à une époque où les relations franco-algériennes étaient dominées par des considérations post-coloniales, semble désormais obsolète aux yeux du ministre. En mettant en avant ce texte, Retailleau semble vouloir rééquilibrer les relations en faveur de Paris, tout en envoyant un signal clair à Alger sur la nécessité de coopérer dans l’affaire Sansal.
La stratégie de Bruno Retailleau repose sur un subtil mélange de fermeté et de pragmatisme. Alors qu’il prône une politique de réciprocité, il n’exclut pas de « déployer des réponses » si Boualem Sansal ne recouvrait pas rapidement sa liberté. Bien que le ministre n’ait pas précisé la nature de ces réponses, elles pourraient inclure des mesures diplomatiques ou économiques, dans une logique d’escalade maîtrisée. « J’espère que la relation entre l’Algérie et la France pourra stabiliser les choses, mais je souhaite que Boualem Sansal puisse nous revenir très rapidement », a-t-il conclu, laissant planer une incertitude sur les actions futures de Paris.
Cette affaire intervient dans un contexte où les relations entre Paris et Alger oscillent entre coopération et confrontation. Si la prudence reste de mise, l’intervention de Bruno Retailleau marque un tournant dans la gestion de ce dossier sensible. Reste à savoir si cette posture de fermeté aboutira à la libération de Boualem Sansal ou si elle exacerbera les tensions entre les deux pays. Dans l’immédiat, l’écrivain demeure en détention, symbole d’une crise diplomatique aux ramifications complexes.
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