Bruno Retailleau qualifié de « Chkoupi » : l’écrivaine Kaouther Adimi en roue libre

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Bruno Retailleau, figure politique bien connue en France, s’est récemment retrouvé au centre d’une polémique inattendue. L’écrivaine algérienne Kaouther Adimi, réputée pour sa plume acérée et son engagement littéraire, a utilisé un mot bien particulier pour qualifier l’homme politique Retailleau : « chkoupi ». Un terme à l’origine anodine, mais dont l’usage dans ce contexte a rapidement fait des vagues.

L’incident est survenu à la suite d’une conversation entre l’écrivaine et un ami écrivain, qui lui recommandait de ne pas trop évoquer son récent séjour en Algérie. Une remarque qui, selon elle, témoignait d’un climat de crispation où tout ce qui touche à l’Algérie devient un sujet sensible dans certains cercles en France. C’est alors qu’elle a lâché ce terme évocateur : « chkoupi », en citant Bruno Retailleau.

« Récemment, un ami écrivain à qui j’annonçais rentrer d’un séjour à Alger, où j’étais allée rendre visite à mes parents et terminer les corrections de mon livre, m’a conseillé de ne pas trop l’ébruiter. « Tu comprends, a-t-il ajouté, en ce moment, cela risque de jouer contre toi, ce ne sera pas compris. » J’ai haussé un sourcil. Il a baragouiné quelques mots, un enchevêtrement confus mêlant Boualem Sansal, Kamel Daoud et Bruno Retailleau. J’ai tenté de lui expliquer que, si le premier était malheureusement en prison, le deuxième, lui, venait de recevoir le prix Goncourt et quant au troisième (Ndlr, Retailleau), chkoupi. », a notamment écrit l’écrivaine algérienne sur le ministre de l’intérieur français, dans une tribune mise en ligne sur le média L’Humanité.

« ‘Chkoupi’ est un mot algérien sans doute dérivé du turc « çöp », qui signifie « déchets ». Les pêcheurs algériens, lorsqu’ils ne remontaient rien d’autre que des algues et autres déchets qui venaient s’emmêler aux filets, disaient qu’ils n’avaient rien d’autre que du « chkoupi », c’est-à-dire rien d’utile, que du gênant. Le mot est entré dans le langage quotidien et il n’est pas rare lorsqu’on est agacé de lâcher un « chkoupi » bien appuyé. », explique-t-elle.

Ainsi, ce mot, issu du dialecte algérien et dérivé du turc « çöp » signifiant « déchets », est souvent employé pour désigner quelque chose de superflu ou d’inutile. Les pêcheurs algériens l’utilisaient autrefois pour parler des algues et autres déchets remontés dans leurs filets au lieu du poisson espéré. Peu à peu, le terme est entré dans le langage courant, devenant une expression populaire pour exprimer une forme de mépris ou d’agacement.

Dans le cas de Bruno Retailleau, ce qualificatif ne relève pas d’un simple hasard linguistique. Il s’agit d’une critique directe à l’égard de ses prises de position sur l’Algérie, un pays qu’il évoque régulièrement dans ses discours et déclarations publiques. L’homme politique, connu pour ses positions conservatrices et son regard nostalgique sur la période coloniale, fait souvent de l’Algérie un axe central de ses interventions. Aux yeux de nombreux Algériens, ces postures semblent plus motivées par des considérations idéologiques que par une réelle volonté de dialogue.

« Bruno Retailleau ne préoccupe pas beaucoup les Algériens de l’autre côté de la Méditerranée, ils ont bien d’autres tracas. Lui, en revanche, en bon nostalgique de la colonisation, s’intéresse beaucoup à l’Algérie, dont il a fait son fonds de commerce. Derrière les postures, les postures, et encore les postures, une évidence crève les yeux : Français et Algériens, nous avons plus en commun que ce que l’époque ne veut bien laisser croire. Et, d’abord, celui de mériter mieux que cette mascarade portée par l’extrême droite. », conclut Kaouther Adimi.

Retailleau assimilé à « Chkoupi » : qui est Kaouther Adimi ?

Née en 1986 à Alger, Kaouther Adimi est une écrivaine dont le parcours, entre l’Algérie et la France, a forgé une plume sensible et engagée. Ses romans, entre fiction et récit historique, interrogent avec finesse l’histoire de son pays et les défis de l’identité.

Un parcours entre deux rives

Dès son plus jeune âge, Kaouther Adimi baigne dans un univers où les mots occupent une place centrale. Après une enfance partagée entre Alger et Grenoble, elle revient en Algérie en 1994, en pleine décennie noire. Privée de lectures en raison du contexte, elle commence à inventer ses propres histoires.

Son talent pour l’écriture se révèle rapidement. Alors qu’elle étudie à l’université d’Alger, elle participe à un concours organisé par l’Institut français et remporte le Prix du jeune écrivain francophone en 2006 et 2008. Ces distinctions marquent le début de son aventure littéraire.

Une bibliographie engagée

En 2010, elle publie son premier roman, « L’Envers des autres », chez les éditions Barzakh, qui sera réédité en France sous le titre « Des ballerines de Papicha ». Ce récit, portrait de la jeunesse algérienne tiraillée entre espoir et désillusion, reçoit le Prix littéraire de la vocation.

Suivent « Des pierres dans ma poche » (2016), « Nos richesses » (2017), roman hommage à l’ancienne librairie éditrice Edmond Charlot, et « Les Petits de décembre » (2019), qui aborde les inégalités sociales en Algérie à travers les yeux d’enfants. Son dernier roman, « Au vent mauvais » (2022), dresse une fresque historique de l’Algérie de la colonisation à la guerre civile des années 1990.

Un succès littéraire reconnu

Son style fluide et percutant lui vaut de nombreuses distinctions. « Nos richesses » obtient notamment le Prix Renaudot des lycéens et le Prix du Style en 2017. « Au vent mauvais », quant à lui, remporte le Prix Montluc Résistance et Liberté en 2023.

Kaouther Adimi ne se limite pas à l’écriture romanesque. Elle s’investit également dans le théâtre et le scénario, contribuant au film « Nos frangins » de Rachid Bouchareb en 2022 et au podcast « Le paon rose » pour France Inter.

Une plume entre mémoire et modernité

Kaouther Adimi appartient à cette nouvelle génération d’écrivains algériens qui explorent le passé pour mieux comprendre le présent. Par sa manière d’aborder les mémoires croisées, elle redonne voix à des figures oubliées de l’histoire et interroge les fractures encore vives de l’Algérie contemporaine.

Aujourd’hui, entre Paris et Alger, elle poursuit son chemin littéraire avec la même exigence, portée par une volonté de transmission et une foi inébranlable en la puissance des mots.

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