Change : l’euro atteint un record, jamais égalé depuis 2022, face au dinar  

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C’est un seuil symbolique mais hautement révélateur des dynamiques économiques actuelles : l’euro vient officiellement de franchir la barre des 150 dinars algériens, un niveau de change euro – dinar qui n’avait plus été atteint depuis juillet 2022. Cette évolution, enregistrée sur le marché officiel de change en Algérie, illustre une série de facteurs internationaux et nationaux convergents qui redessinent les équilibres monétaires du pays. Sur le marché noir des devises, la valeur de l’euro avoisine les 260 dinars. En effet, 1 euro s’échange contre 256 dinars à l’achat et 258 dinars à la vente.

Interrogé par le quotidien El Moudjahid, Sofiane Mazari, analyste financier et directeur de la finance islamique au Crédit Populaire d’Algérie (CPA), souligne que cette progression de la monnaie unique européenne résulte d’un contexte international plus favorable à l’euro. Celui-ci s’est, selon lui, renforcé face au dollar américain au cours des dernières semaines, porté par un optimisme renouvelé autour des perspectives économiques de la zone euro et une ligne monétaire adoptée par la Banque centrale européenne qui, bien que prudente, demeure résolument ferme.

Ce raffermissement observé au niveau global trouve donc une traduction naturelle dans la parité entre l’euro et le dinar algérien. M. Mazari précise que cette tendance s’insère également dans une mutation progressive du cadre national de la politique de change, marquée par une ouverture plus nette vers la flexibilité des taux. La Banque d’Algérie, dans cette logique, viserait un taux de change plus représentatif des réalités économiques et des mécanismes d’offre et de demande. En parallèle, elle poursuit un travail de fond sur l’assainissement du circuit officiel de la devise, dans le but d’enrayer durablement les distorsions entre taux officiel et taux parallèle.

Le contexte géopolitique joue lui aussi un rôle non négligeable dans cette dynamique monétaire. En effet, les récentes prises de position de l’ancien président américain Donald Trump, évoquant un possible retour de tarifs douaniers ciblés, notamment contre certains produits européens et asiatiques, ont ravivé les tensions commerciales mondiales. Ce regain de protectionnisme a eu pour effet d’alimenter la volatilité des marchés des devises, selon M. Mazari. Cette instabilité aurait entraîné une nervosité accrue autour du dollar américain, poussant de nombreux investisseurs à se tourner vers d’autres devises perçues comme plus stables, dont l’euro, considéré dans ce contexte comme une valeur refuge temporaire. L’impact de ces mouvements spéculatifs se ressent donc bien au-delà des frontières européennes, jusqu’au marché officiel algérien.

Sur le plan intérieur, l’Algérie continue d’enregistrer une balance commerciale globalement excédentaire, ce qui, en théorie, devrait soutenir la stabilité de sa monnaie nationale. Pourtant, la demande en devises étrangères reste forte, alimentée notamment par les importations de biens de consommation, les besoins des voyageurs algériens à l’étranger, et les projets d’investissement dans divers secteurs. Cette demande soutenue exerce une pression structurelle sur le dinar, d’autant plus marquée que la masse monétaire en circulation dans le pays est en croissance continue. La combinaison de ces facteurs contribue ainsi à l’érosion de la valeur du dinar face à l’euro, accentuant un déséquilibre qui inquiète de plus en plus les économistes.

La question qui agite désormais les observateurs est celle de la pérennité de cette tendance : s’agit-il d’un ajustement ponctuel dans un contexte de fluctuations internationales, ou d’un changement plus profond et durable des équilibres monétaires algériens ? À ce propos, Farouk Nemouchi, docteur d’État en sciences économiques, estime que la clé réside dans la capacité du pays à produire davantage de biens et de services. Selon lui, il est indispensable de lier la politique de change aux fondamentaux de l’économie réelle pour espérer une stabilisation pérenne. Cette approche suppose un renforcement de l’appareil productif national afin de réduire la dépendance aux importations et de créer des alternatives locales crédibles.

Il convient de rappeler que ce n’est pas la première fois que l’euro atteint des sommets face au dinar. En septembre dernier, c’est sur le marché parallèle, notamment au Square Port-Saïd, que la monnaie européenne avait déjà battu des records, préfigurant en quelque sorte le glissement actuel observé dans le circuit officiel. Pour d’autres experts, à l’image de Ziad M’hamed, enseignant-chercheur à Mascara, la politique monétaire algérienne a longtemps été guidée par une volonté constante de stabiliser le taux de change effectif réel du dinar. Il note un contrôle strict du taux de référence du dinar par rapport aux devises majeures, qui pourrait aujourd’hui céder progressivement le pas à une régulation plus souple, mais mieux alignée avec la logique de marché.

En franchissant la barre symbolique des 150 dinars pour un euro, le système de change algérien entre peut-être dans une nouvelle ère. Une ère où les politiques économiques, la stabilité intérieure, les équilibres externes et la perception internationale s’entrelacent pour redéfinir la valeur du dinar dans un monde où la monnaie reste l’un des premiers marqueurs de souveraineté économique.

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