Changer des dinars algériens en euros est devenu un enjeu central pour de nombreux Algériens, que ce soit pour voyager, étudier, régler des dépenses à l’étranger ou financer des projets personnels. Pourtant, l’accès aux devises reste très limité dans le pays. Officiellement, la Banque d’Algérie, en tant qu’autorité monétaire, encadre strictement toutes les opérations de change et interdit aux particuliers d’acheter des devises sur le marché officiel. Cela signifie qu’un citoyen algérien n’a pas la possibilité d’acquérir librement des euros auprès des banques, quel que soit le motif de sa demande. La seule solution légale pour obtenir des euros reste désormais l’allocation touristique, un dispositif réformé récemment pour répondre aux besoins des voyageurs.
Jusqu’en juillet 2025, l’allocation touristique permettait aux Algériens de disposer de moins de 100 euros par an pour leurs déplacements à l’étranger. Ce montant était largement insuffisant pour financer un voyage en Europe, ne serait-ce que pour couvrir le transport ou l’hébergement. Consciente de cette limitation, l’État a décidé d’augmenter l’allocation, la portant à 750 euros par an, toujours à travers les banques et au taux officiel fixé par la Banque d’Algérie. Cette révision représente un véritable changement pour les citoyens qui voyagent régulièrement, même si le montant reste modeste face aux coûts réels d’un séjour prolongé à l’étranger. L’allocation touristique est strictement destinée aux voyages et ne peut pas être utilisée pour d’autres projets comme l’achat d’un véhicule ou un investissement hors du pays.
L’attribution de l’allocation touristique se fait dans les banques, mais elle est limitée à ce montant fixe. Chaque citoyen ayant un passeport biométrique peut en bénéficier une fois par an. Au guichet, les banques appliquent le taux officiel, ce qui est avantageux par rapport aux taux pratiqués sur le marché parallèle, mais le volume reste très limité. La plupart des Algériens constatent que ces 750 euros ne suffisent pas à financer intégralement un séjour en Europe, obligeant ceux qui ont besoin de plus de recourir à des alternatives.
C’est là que le marché parallèle, souvent appelé le Square, prend toute son importance. À Alger, par exemple, le Square Port-Saïd est devenu un point central pour échanger des dinars contre des euros. Dans ce marché informel, les devises sont disponibles en grande quantité, rapidement, et sans justificatif, ce qui attire des milliers de personnes chaque jour. Ce marché, bien que non réglementé, répond à la demande réelle des particuliers qui ne peuvent pas accéder au marché officiel. Le principal inconvénient reste le taux : le prix de l’euro y est bien supérieur au taux officiel, parfois deux à trois fois plus élevé, ce qui augmente considérablement le coût d’un voyage ou d’un projet nécessitant des devises.
La popularité du marché parallèle repose sur sa capacité à offrir une disponibilité immédiate et flexible. Pour un étudiant qui doit payer son logement en Europe, pour un patient qui doit régler des soins médicaux à l’étranger, ou pour toute personne ayant des dépenses urgentes, les 750 euros de l’allocation touristique ne suffisent pas. Le Square permet de combler ce vide rapidement et efficacement, même si les transactions se font hors du cadre légal. Certains cambistes sont devenus des références fiables, recommandés par la communauté et suivis sur les réseaux sociaux, renforçant la confiance dans un système qui n’a pourtant aucune protection officielle.
Cette situation illustre parfaitement le contraste entre le marché officiel et le marché parallèle en Algérie. D’un côté, la Banque d’Algérie contrôle strictement l’accès aux devises, empêchant tout particulier d’acheter librement des euros. De l’autre, le marché parallèle s’est imposé comme une solution incontournable pour des besoins qui ne peuvent pas être satisfaits légalement. Cette dualité a créé un fonctionnement économique unique où les citoyens doivent jongler entre légalité limitée et pratique informelle.
Beaucoup d’experts économiques estiment que ce système révèle un déséquilibre entre l’offre réglementée et la demande réelle. L’augmentation récente de l’allocation touristique à 750 euros est un pas dans la bonne direction, mais elle reste insuffisante pour répondre aux besoins croissants d’une population de plus en plus mobile et connectée au monde. Des réformes plus ambitieuses, comme la possibilité d’acheter légalement des devises au-delà de l’allocation ou la création de canaux de change réglementés accessibles aux particuliers, sont souvent évoquées pour réduire la dépendance au marché informel.
Pour l’heure, les Algériens disposent donc de deux voies distinctes pour obtenir des euros : l’allocation touristique, légale mais limitée à 750 euros par an, et le marché parallèle, rapide mais soumis aux taux élevés et aux risques d’une opération non encadrée. Ce choix illustre la complexité des échanges en devises dans le pays, mais également la créativité et l’adaptabilité des citoyens qui doivent composer avec des contraintes fortes.
Changer des dinars algériens en euros reste donc un défi quotidien pour beaucoup, où l’équilibre entre légalité et praticité dicte la manière dont chacun accède aux devises nécessaires à ses projets. Tant que le marché officiel restera inaccessible aux particuliers, le marché parallèle continuera d’occuper une place centrale dans la vie économique et sociale, comblant un vide créé par les restrictions monétaires et les limites de l’allocation touristique.