Des Algériens de France traités de « Ni Ni »

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Depuis plusieurs mois, la tension entre la France et l’Algérie s’intensifie, cristallisant les débats autour des obligations de quitter le territoire français (OQTF) visant certains ressortissants algériens. Un sujet épineux qui prend des allures de bras de fer diplomatique, alors qu’Alger refuse d’accueillir certains de ses ressortissants expulsés, notamment ceux impliqués dans des affaires judiciaires. Ce conflit juridique et administratif déborde même du cadre institutionnel et s’ancre profondément dans les réalités du terrain, où avocats, militants et forces de l’ordre croisent le fer sur la question.

En Côte-d’Or, cette problématique s’invite dans les tribunaux et dans les rues, là où les associations de défense des droits de l’homme dénoncent des décisions qu’elles jugent arbitraires. Paul Garrigues, figure emblématique de la Ligue des droits de l’homme dans la région, rappelle des chiffres du ministère de l’Intérieur qui viennent tempérer certaines idées reçues. Moins de 7,3 % des OQTF seraient motivées par des troubles à l’ordre public et à peine 2 % concerneraient des étrangers condamnés pénalement. Pour lui, l’amalgame entre immigration et délinquance ne tient pas face à la réalité statistique. L’écrasante majorité des décisions d’expulsion serait due à des motifs purement administratifs, comme le refus du droit d’asile ou des erreurs d’évaluation concernant l’âge des mineurs non accompagnés.

Me Yassine Djermoune, avocat spécialisé en droit des étrangers, vit quotidiennement les incohérences de ces procédures. Il raconte au média français Le Bien Public comment des Algériens sous OQTF se retrouvent dans un véritable labyrinthe juridique où la bataille se joue sur des détails de procédure. Saisir le juge administratif devient alors une nécessité, mais ce dernier ne statue que sur la légalité de la décision d’expulsion, sans se préoccuper de sa faisabilité concrète. Une mécanique froide et déshumanisée qui condamne certains à errer dans un vide juridique.

Ce sont ces laissés-pour-compte que les associations appellent les « ni ni », selon l’avocat. Un terme révélateur d’une impasse kafkaïenne, où ces individus ne sont « ni expulsables, ni régularisables ». Pris dans un entre-deux infernal, ils se retrouvent souvent plongés dans la précarité, sans statut clair, vivant sous la menace constante d’une nouvelle injonction de quitter le territoire qu’ils savent inapplicable. Pour certains, cette situation dure depuis des années, se répétant inlassablement au fil des refus et des reconduites administratives. Me Djermoune dénonce un engrenage absurde, où les autorités françaises continuent de prononcer des OQTF sans perspective de mise en œuvre effective. Une mécanique qui broie des vies sans aboutir à une solution concrète.

Derrière cet imbroglio juridique, la question politique n’est jamais loin. L’Algérie, en refusant les laissez-passer consulaires nécessaires aux expulsions, bloque de facto l’application des OQTF. Une situation qui exaspère les autorités françaises, poussant certains responsables politiques à remettre en cause l’accord bilatéral de 1968 encadrant la circulation des Algériens en France. Pourtant, comme le souligne Me Djermoune, cet accord ne concerne même pas la question de l’éloignement, rendant le débat autour de sa dénonciation quelque peu hors sujet.

Si ce bras de fer diplomatique fait les gros titres, sur le terrain, ce sont des hommes et des femmes qui en paient le prix. Des vies suspendues dans l’incertitude, des parcours brisés par des décisions administratives qui s’empilent sans jamais aboutir. Coincés entre deux États qui se renvoient la balle, ces « ni ni » sont devenus les symboles malgré eux d’un système incapable de trancher, où les expulsions impossibles côtoient les régularisations refusées. En attendant une hypothétique issue à cette impasse, ces oubliés du droit continuent de vivre dans l’ombre, ballottés entre espoir et résignation.

 

 

 

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