La relation entre la France et l’Algérie, historiquement complexe, semble connaître un léger tournant. Ce vendredi, l’Élysée a annoncé l’envoi de l’ambassadeur de France en Algérie, Stéphane Romatet, à la commémoration de la répression du 17 octobre 1961, un geste considéré comme inhabituel et lourd de symboles. Selon plusieurs sources diplomatiques, cette initiative a été directement décidée par Emmanuel Macron, qui souhaite envoyer deux messages précis à son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune, dans un contexte diplomatique tendu.
Le 17 octobre 1961 reste un jour sombre dans l’histoire des relations franco-algériennes. À Paris, la manifestation organisée par le FLN pour protester contre le couvre-feu imposé aux ressortissants algériens s’était soldée par une répression sanglante, faisant près d’une centaine de morts. Plus de six décennies plus tard, le geste de Macron de dépêcher Stéphane Romatet pour assister à la cérémonie sur le pont de Bezons s’inscrit dans une volonté de mémoire et de reconnaissance, tout en cherchant à relancer le dialogue avec Tebboune. En envoyant Romatet, Macron répète subtilement à Tebboune que la France n’a pas oublié cette période et qu’un rapprochement est possible si des signaux clairs sont échangés.
Les deux messages que souhaite transmettre Macron à Tebboune sont, selon l’Élysée, à la fois symboliques et pragmatiques. Le premier rappelle l’importance de la mémoire historique et de la reconnaissance des souffrances endurées par les Algériens en France. Le second insiste sur la nécessité de dépasser la crise diplomatique récente, marquée par des expulsions réciproques et des tensions autour de la détention de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal. Ce rappel à Tebboune souligne la volonté de Macron de stabiliser les relations bilatérales sans effacer les griefs historiques.
Cette initiative arrive après plusieurs mois de tensions entre Paris et Alger. Le rappel de Romatet en avril 2025, suite à l’expulsion de douze fonctionnaires français, avait symbolisé un refroidissement des relations. À cela s’ajoute la question de Boualem Sansal, exclu du décret de grâce du 5 juillet émis par Tebboune, un événement vécu comme une humiliation par Macron et les autorités françaises. La décision d’envoyer Romatet marque donc un tournant dans l’attitude de Macron, qui avait précédemment insisté sur la fermeté dans ses échanges avec Tebboune.
Dans le contexte intérieur français, le remplacement de Bruno Retailleau à l’Intérieur par Laurent Nunez pourrait également faciliter ce nouveau ton diplomatique. La France, par la voix de Macron, cherche à montrer qu’elle est prête à renouer le dialogue, tout en affirmant sa mémoire historique et ses intérêts nationaux. L’envoi de Romatet à la cérémonie du 17 octobre 1961 devient ainsi un message clair : Macron veut construire un pont symbolique avec Tebboune, rappelant les douleurs passées mais ouvrant la voie à une coopération future entre Paris et Alger.
Ce geste de Macron envers Tebboune combine mémoire, diplomatie et pragmatisme. En participant à cette commémoration, la France tente de conjuguer reconnaissance historique et volonté de dépasser les tensions récentes, tout en envoyant un signal fort à Alger sur l’importance du dialogue et de la coopération bilatérale. Cette approche illustre la complexité et la sensibilité des relations franco-algériennes, où chaque geste, même symbolique, revêt un poids politique considérable.