France : après le sport, le voile interdit dans l’espace public ?

Algériennes France voile

Le débat sur le port du voile en France revient une fois de plus sur le devant de la scène, alimenté par un récent sondage qui révèle que 69 % des Français seraient favorables à son interdiction dans l’espace public. Une proposition qui, bien que soutenue par une frange de la population, soulève d’importantes questions sur la liberté de culte, les droits fondamentaux et les implications juridiques d’une telle mesure.

Depuis la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux ostensibles dans les établissements scolaires publics, y compris le voile, le cadre légal français encadre strictement la manifestation des convictions religieuses dans certaines sphères de la société en France. Toutefois, cette restriction ne s’applique pas à l’espace public en général, où chaque individu est libre de porter des signes religieux de son choix.

L’idée d’une interdiction totale du voile dans l’espace public en France a été remise sur la table par le président du Rassemblement National, Jordan Bardella, qui considère cette mesure comme un « objectif à terme ». D’autres figures politiques de droite et d’extrême droite ont également exprimé leur soutien à une telle réforme, notamment Nicolas Sarkozy en 2016, Marine Le Pen en 2019 et Éric Zemmour en 2022. Plus récemment, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a enfoncé le clou en déclarant récemment « À bas le voile » lors d’un rassemblement contre l’islamisme.

Le sondage commandé par CSA pour CNEWS, Europe 1 et le Journal du Dimanche met en lumière des disparités générationnelles et sociopolitiques. Si 78 % des 50-64 ans soutiennent cette interdiction, seuls 47 % des 25-34 ans y sont favorables. Politiquement, la droite et l’extrême droite plébiscitent cette mesure avec respectivement 82 % et 90 % d’avis favorables, tandis que la gauche affiche des avis plus partagés. Les sympathisants de La France Insoumise (LFI) ne sont que 42 % à approuver l’interdiction, contre 61 % des électeurs socialistes.

Cette proposition législative sur le voile en France se heurte toutefois à plusieurs obstacles juridiques. L’article premier de la Constitution française garantit la liberté de culte, et l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme protège le droit de manifester sa religion en public. Toute restriction à cette liberté ne peut être justifiée que par des impératifs liés à la sécurité publique ou à la protection des droits d’autrui. Toute loi visant à interdire le port du voile dans l’espace public pourrait ainsi être invalidée par le Conseil constitutionnel ou la Cour européenne des droits de l’Homme. Pour contourner ces barrières, il faudrait soit modifier la Constitution, soit revoir la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, une tâche particulièrement ardue.

Par ailleurs, un récent rapport révélé par Mediapart met à mal l’argument selon lequel le port du voile dans le sport constituerait un vecteur de radicalisation. Ce document, publié par l’Institut des Hautes Études du ministère de l’Intérieur (IHEMI), conclut qu’il n’existe pas de phénomène structurel de radicalisation dans le sport associatif français. Seules 62 structures sur les 360 000 associations sportives du pays présenteraient des signes de séparatisme, un chiffre jugé dérisoire au regard du débat public suscité par cette question. De plus, l’étude souligne que les personnes radicalisées sont statistiquement moins engagées dans le sport que la population générale. Le rapport, bien qu’accessible depuis mai 2022, n’a jamais été mis en avant par le gouvernement, qui a préféré enterrer ses conclusions.

Le port du voile dans le sport : la polémique enfle

Depuis plusieurs semaines, la question de l’interdiction des signes religieux dans le sport en France, en particulier le port du voile, suscite un vif débat. Ce projet de loi, déjà validé par le Sénat, doit être soumis à l’Assemblée nationale. Entre principes de laïcité, liberté individuelle et enjeux politiques, la polémique s’intensifie.

Quelle est la réglementation actuelle ?

En France, il n’existe pas de règle unique concernant le port de signes religieux dans le sport. Chaque fédération sportive est libre d’établir ses propres réglements. Certaines, comme celles du football (2016), du basket-ball (2022), du volley-ball (2023) et du rugby (2024), ont choisi d’interdire le port du voile en compétition officielle.

Lors des entraînements, les joueuses peuvent porter un hijab sans restriction. Toutefois, en match officiel, l’arbitre peut exiger son retrait, sous peine de sanction pour l’athlète et son club. D’autres disciplines, comme le handball, le karaté ou l’athlétisme, autorisent le port du voile tant qu’il ne compromet pas la sécurité.

Pour les sélections nationales, la situation est encore plus stricte. Le Conseil d’État, en 2023, a statué que les athlètes représentant la France étaient assimilés à des agents du service public et devaient respecter la neutralité religieuse. Par conséquent, même si certaines fédérations internationales autorisent le port du voile, les sportives françaises ne peuvent en faire usage sous les couleurs nationales.

En quoi consiste la proposition de loi ?

Portée par le sénateur LR Michel Savin, la loi adoptée par le Sénat en février prévoit l’interdiction des signes religieux et politiques ostensibles lors des compétitions sportives départementales, régionales et nationales. Son objectif affiché est d’assurer le respect du principe de laïcité dans le sport.

En parallèle, la loi envisage d’interdire l’utilisation des installations sportives publiques à des fins cultuelles et de réglementer les tenues autorisées dans les piscines municipales, une mesure faisant écho à la polémique sur le burkini en 2022.

Quelle est la position du gouvernement ?

Le gouvernement peine à afficher une position unanime sur la question. Tandis que certains ministres, comme Gérald Darmanin et Bruno Retailleau, soutiennent fermement l’interdiction, d’autres voix, comme celle de la ministre des Sports Marie Barsacq, préfèrent une approche plus nuancée.

L’ancienne Première ministre Élisabeth Borne estime que les fédérations doivent définir elles-mêmes leur réglementation, sans intervention du Parlement. Elle insiste sur l’importance de lutter contre l’entrisme religieux dans le sport, tout en évitant une approche trop clivante.

Pourquoi cette polémique divise-t-elle autant ?

Le débat sur l’interdiction du voile dépasse largement le cadre sportif et s’inscrit dans une controverse sociétale plus large. Certains défendent une application stricte de la laïcité et redoutent une forme de prosélytisme religieux, tandis que d’autres y voient une atteinte à la liberté individuelle et une discrimination ciblant les femmes musulmanes.

Les chiffres sur la présence de comportements communautaristes dans le sport sont controversés. Un rapport parlementaire fait état de 500 clubs touchés, sur un total de 350 000 associations sportives. Cependant, un étude de l’Institut des hautes études du ministère de l’Intérieur (IHEMI) en 2022 affirme que le communautarisme dans le sport reste marginal.

Des figures du sport comme Teddy Riner ont tenté d’apaiser les tensions en appelant à un débat mesuré. D’autres, à l’image de l’ancien boxeur Mahyar Monshipour, considèrent que le voile est un symbole patriarcal et liberticide.

Quel avenir pour cette loi ?

Si la loi est adoptée par l’Assemblée nationale, sa mise en application s’annonce complexe. Comment assurer le respect de cette interdiction sur des milliers de terrains et gymnases à travers le pays ? Les arbitres devront-ils signaler les infractions ?

Autant de questions qui demeurent en suspens, alors que le débat ne cesse de s’intensifier dans les sphères politique et médiatique.

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