France : des médecins spécialistes algériens payés à 1400 euros par mois

Algériens soins France médecins

BM et Belkacem, deux médecins algériens, incarnent la réalité complexe des « Padhue » (praticiens à diplôme hors Union européenne) en France. Après avoir suivi une formation médicale rigoureuse en Algérie, reconnue pour la qualité de son enseignement, ces professionnels de santé indispensables à l’équilibre du système hospitalier français se retrouvent pourtant confrontés à des conditions précaires et à une rémunération indigne de leur expertise. 

BM nourrit depuis l’enfance le rêve de devenir pédiatre. Après avoir exercé dans des conditions extrêmes en Algérie, notamment en psychiatrie d’urgence dans des zones désertiques, elle décide de venir en France, attirée par l’idée d’un système de santé offrant des moyens adéquats. « Je voulais travailler dans de bonnes conditions, car en Algérie, même si la formation est excellente, le terrain manque cruellement de ressources et d’infrastructures modernes. »

C’est ainsi qu’elle intègre l’hôpital de Gonesse, dans le Val-d’Oise. Bien que son arrivée ait été accueillie chaleureusement, BM comprend vite que son statut de « stagiaire associé » limite ses droits et ses perspectives. Ce statut, spécifique aux médecins non formés dans l’Union européenne, est accordé pour une durée maximale de deux ans. Pendant cette période, BM, malgré son diplôme de médecin spécialiste, gagne 1 400 euros net par mois.

« Je fais le travail d’un médecin comme les autres, mais dans des conditions précaires, » déplore-t-elle. Les gardes supplémentaires qu’elle effectue pour compléter son salaire mettent sa santé en péril, avec des congés limités et une charge de travail quotidienne intense. « On se sent surexploité et méprisé. Ce que l’on offre en termes de soins n’a pas de prix, et pourtant, nous sommes traités comme des remplaçables. » Face à la perspective de la fin de son contrat en 2025, BM envisage de quitter la France pour l’Allemagne, espérant y trouver davantage de reconnaissance.

Belkacem, lui, est également confronté à cette réalité amère. Arrivé en France en 2019, il exerce en pédopsychiatrie, supervisant deux centres médico-psychologiques. Naturalisé français grâce à son mariage, Belkacem déplore les mêmes insuffisances en Algérie qui ont poussé BM à partir : un manque criant de moyens, malgré une formation universitaire de haut niveau.

Pour compléter son revenu, il effectue des gardes aux urgences, parfois en tant qu’infirmier. Ce travail supplémentaire est épuisant, d’autant qu’il a été intensément mobilisé durant la pandémie. « Après mes journées de travail, je reste dans ma voiture, à écouter de la musique pendant au moins quinze minutes. C’est mon seul moyen de relâcher la pression avant de rentrer chez moi, » confie-t-il.

La reconnaissance professionnelle, essentielle pour sortir de cette précarité, passe par une procédure particulièrement exigeante : la Procédure d’Autorisation d’Exercice (PAE). Cette démarche inclut des épreuves de vérification des connaissances (EVC), un obstacle de taille pour des professionnels submergés par leur charge de travail. « Avec les contrats précaires, le stress quotidien et la maltraitance institutionnelle, il est difficile de trouver la force de réviser, » admet Belkacem. En cas d’échec, il se verrait relégué au statut d’étudiant, une perspective humiliante pour un spécialiste cumulant 31 ans d’expérience.

Ces témoignages que les deux médecins algériens ont accordé à Radio France soulignent une réalité paradoxale : la France, en proie à une pénurie de médecins, repose largement sur les compétences des Padhue pour maintenir son système de santé. Pourtant, ces derniers sont soumis à des conditions inéquitables qui compromettent leur dignité et leur motivation. Le cas de BM et de Belkacem illustre l’urgence de revoir ces pratiques, au risque de voir ces professionnels tourner le dos à un pays qui refuse de les valoriser à leur juste valeur.

Lire également :

Hausse drastique des divorces en Algérie : le ministre de la justice lance un appel important

Carte bancaire en 5 secondes : la folle trouvaille d’un voyageur algérien

Crédits : le gouvernement fait une agréable surprise aux Algériens