France : le Recteur de la grande mosquée de Paris choque les Algériens

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Les propos récents de Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris, ont suscité un tollé parmi les Algériens de France et plus largement dans la communauté maghrébine. Intervenant sur le plateau de BFM TV, il a affirmé sans détour : « Le voile ne devrait pas exister en France aujourd’hui. » Une phrase lourde de sens, qui a immédiatement provoqué une vague de réactions, alimentant un débat déjà très sensible dans l’Hexagone comme au sein de la diaspora algérienne. Ce n’est pas la première fois que Chems-Eddine Hafiz s’exprime sur le port du hijab, mais cette déclaration, formulée dans un contexte tendu après les propos du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau sur le hijab dans le sport, a eu un effet détonant.

Le 26 mars dernier, le ministre avait plaidé pour « abattre le voile » dans les compétitions sportives, suscitant lui-même une avalanche de critiques et de soutiens. C’est dans ce climat polarisé que le recteur a tenu à rappeler la position officielle de l’institution religieuse qu’il dirige. Selon lui, l’islam tel qu’il est compris et prêché à la Grande Mosquée de Paris prône avant tout la connaissance et l’instruction. Il a ainsi évoqué la loi de 2004 interdisant les signes religieux ostensibles à l’école publique, soulignant que la Mosquée de Paris, à l’époque sous la direction de Dalil Boubakeur, avait pris position en faveur de cette interdiction. « Une gamine n’a pas à mettre le foulard, elle est là pour aller à l’école », a-t-il rappelé avec insistance, ancrant ses propos dans une continuité institutionnelle.

Cependant, Chems-Eddine Hafiz a également tenu à nuancer son propos en dénonçant la stigmatisation des femmes voilées. Il a exprimé son désaccord avec le ministre Bruno Retailleau en soulignant que « l’on ne doit pas stigmatiser les femmes qui veulent porter le foulard ». Cette double posture, à la fois critique vis-à-vis du voile dans l’espace éducatif et neutre dans l’espace public, a pourtant été mal reçue par une grande partie des Algériens de France. Pour beaucoup, cette position est perçue comme un reniement, voire une trahison de l’identité musulmane dans un pays où les musulmanes portant le hijab font déjà face à une pression sociale constante.

La vidéo de l’interview, rapidement relayée sur les réseaux sociaux, a enflammé les débats. Des dizaines de témoignages ont afflué, dénonçant ce qui est vu comme une forme de complaisance envers une politique assimilée à une restriction des libertés religieuses. Certains internautes accusent même le recteur de s’aligner avec les discours dominants en France pour ménager les pouvoirs publics, au détriment des croyants qu’il est censé représenter. D’autres, plus modérés, admettent que son appel à la non-stigmatisation est louable, mais regrettent la manière brutale avec laquelle il a rejeté le voile dans la société française.

Cette déclaration soulève aussi des interrogations sur le rôle des institutions religieuses dans le débat public. Peut-on représenter un culte tout en adoptant une posture qui semble en contradiction avec une pratique largement répandue parmi les fidèles ? Pour beaucoup de femmes musulmanes, le hijab est un choix personnel et spirituel, loin des considérations politiques ou idéologiques. Et dans un climat de plus en plus hostile, la parole d’un responsable religieux aussi influent que le recteur de la Grande Mosquée de Paris a un poids considérable.

Si Chems-Eddine Hafiz affirme ne pas vouloir juger les femmes qui portent le foulard à l’université ou dans les lieux publics, ses propos sur l’inutilité du voile en France continuent d’alimenter l’incompréhension. L’opinion reste divisée, entre ceux qui saluent son pragmatisme et ceux qui y voient un discours déconnecté des réalités vécues par les musulmanes dans le pays. En attendant, le débat, suite aux propos du Recteur de la grande mosquée de Paris, ne semble pas près de s’éteindre, et les Algériens de France, entre attachement à leurs racines et confrontation au regard de la société française, continuent de chercher un équilibre difficile à atteindre.