Le média algérien El Khabar a recueilli des témoignages bouleversants d’Algériens vivant en France, dévoilant une réalité complexe et souvent ignorée. À travers leurs récits, un constat s’impose : le regard porté sur le resortissant algérien établi en France oscille entre reconnaissance et rejet, admiration et méfiance. Pourtant, la résilience de cette communauté ne cesse d’étonner.
Dans une salle modeste mais chaleureuse du quartier de Belleville, où flotte un parfum de thé à la menthe et de gâteaux faits maison, une trentaine d’Algériens se sont réunis pour un repas d’Iftar organisé par l’association ADDRA. Parmi eux, pas de figures médiatiques, ni de politiques en quête de popularité, mais des citoyens ordinaires, des visages anonymes qui, chaque jour, contribuent à la prospérité de la France. Des ingénieurs, des médecins, des chercheurs en cybersécurité, des entrepreneurs… Des talents qui, pourtant, peinent à se défaire des préjugés attachés à leur origine.
Tahar, ingénieur algérien en informatique, partage une anecdote qui résume à elle seule cette contradiction persistante en France. « Je me souviens d’un collègue qui, en découvrant mon parcours, m’a dit : ‘Tu es Algérien ? Mais tu n’es pas comme les autres !’ J’ai souri, mais au fond, j’ai senti une blessure. Comme si réussir en étant Algérien était une anomalie. Comme si nous étions condamnés à ne correspondre qu’à un stéréotype unique. »
Cette phrase, qu’il a entendue plus d’une fois, résume le dilemme : être reconnu individuellement mais rejeté collectivement. Car dans l’imaginaire collectif, un Algérien qui réussit serait une exception, et non une norme. Pourtant, ces « exceptions » sont bien plus nombreuses qu’on ne le croit.
Fatiha, médecin dans un hôpital parisien, raconte son expérience avec une pointe d’amertume. « Un jour, un patient m’a dit en plaisantant : ‘Heureusement que vous êtes notre médecin, sinon je me serais inquiétée !’ En creusant, j’ai compris qu’il sous-entendait qu’un ‘Algérien normal’ ne pouvait pas occuper un tel poste. C’est subtil, mais révélateur. »_ Elle confie aussi les difficultés à gravir les échelons : « À compétences égales, les promotions semblent toujours aller à d’autres. On nous complimente, mais les postes-clés restent hors de portée. »
Le sentiment d’injustice est renforcé par la façon dont les médias dépeignent les Algériens. À en croire certains discours, leur présence en France ne serait qu’un problème à gérer. Ce point est soulevé par Sana, employée dans une institution publique : « Quand on parle de nous, c’est rarement pour nos contributions. On nous associe à la délinquance, à l’assistanat, alors que nous sommes nombreux à travailler dur, à payer nos impôts, à construire l’avenir du pays. »
Cette invisibilisation des réussites algériennes en France est perçue comme une stratégie : « C’est une manière de nous maintenir à la marge. En nous divisant, en nous forçant à nous justifier en permanence, ils espèrent nous faire douter de notre place ici », confie un entrepreneur présent à la rencontre.
L’histoire coloniale n’est jamais loin dans ces discussions. Salma, jeune diplômée, constate que le passé franco-algérien reste un sujet tabou dans les manuels scolaires et les médias. « On nous parle de la grandeur de la France, mais on oublie d’expliquer les crimes coloniaux. C’est comme si notre existence ici devait être tolérée, mais jamais pleinement acceptée. »
Face à ce constat, ces Algériens ne baissent pourtant pas les bras. Bien au contraire. « Nous sommes ici, nous construisons, nous participons, nous réussissons. Ce n’est pas à eux de nous dire si nous avons notre place ou non », tranche Tahar. « Et si nous sommes ‘pas comme les autres’, alors que ce soit parce que nous refusons de nous laisser définir par leurs préjugés. »
Lire également :
Achats de voitures en France pour un export en Algérie : une caution de 3000 € appliquée ?
Algériens de France, Préfecture : deux nouveautés introduites
AADL 3, activation du compte : une date limite fixée ?