La France et l’Algérie se retrouvent une nouvelle fois au cœur d’un débat sensible après le vote tenu jeudi 30 octobre à l’Assemblée nationale française. À une seule voix près, la chambre basse du Parlement a adopté une résolution proposée par le Rassemblement national, formation d’extrême droite, visant à dénoncer l’accord de 1968 qui encadre depuis plus d’un demi-siècle les conditions d’entrée, de séjour et d’emploi des ressortissants originaires d’Algérie en France. Cette décision symbolique, sans effet juridique immédiat, a néanmoins provoqué de vives réactions à Alger.
Ce dimanche, l’Algérie a fait entendre sa position par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, lors d’un entretien accordé à la chaîne AL24 News. Dans un ton mesuré mais ferme, le chef de la diplomatie algérienne a regretté l’exploitation politique du sujet en France, tout en précisant que le gouvernement algérien n’avait, pour l’heure, reçu aucune notification officielle concernant une remise en cause de l’accord de 1968.
« Très sincèrement, j’ai beaucoup de respect pour l’Assemblée nationale française, mais lorsque j’ai vu ce vote, la première pensée qui m’est venue à l’esprit, c’est la course à l’échalote qui se poursuit », a déclaré Ahmed Attaf. L’Algérie, selon lui, observe avec « tristesse » qu’un pays « aussi grand que la France » puisse faire de l’histoire d’un autre État, « indépendant et souverain », un simple thème de compétition électorale. Le ministre a tenu à rappeler que ce débat relève avant tout d’une « affaire franco-française », opposant le Parlement au gouvernement français.
Sur le fond, Ahmed Attaf a tenu à clarifier la position officielle de l’Algérie : tant que le gouvernement français n’aura pas saisi Alger, il ne s’agit pas d’un dossier bilatéral. « Elle pourrait nous concerner si cela devient une affaire de gouvernement à gouvernement, parce que l’accord de 1968 est un accord intergouvernemental, un accord international », a-t-il expliqué. Avant d’ajouter : « Le gouvernement français ne nous a rien dit sur ce sujet. Donc, sur le plan diplomatique, nous ne réagissons pas. Et nous espérons ne rien voir venir. »
Le ministre algérien a également tenu à rectifier certaines interprétations erronées relayées dans les médias français à propos du contenu même de l’accord de 1968. Contrairement à ce que certains responsables politiques prétendent, cet accord n’a jamais été conçu pour faciliter massivement l’immigration algérienne vers la France. Bien au contraire, a précisé Ahmed Attaf, « il a introduit des restrictions par rapport au régime plus souple établi par les Accords d’Évian ». Selon lui, cet accord, loin d’être un texte « libéral », visait à encadrer plus strictement les conditions de séjour et de travail des Algériens en France, dans le contexte particulier de l’après-indépendance.
L’Algérie a également pris note d’un rapport rédigé par deux députés français de la majorité présidentielle, estimant que l’accord de 1968 coûterait à la France près de deux milliards d’euros par an. Une évaluation que le chef de la diplomatie algérienne a jugée « totalement infondée ». « On attribue beaucoup de choses à cet accord. J’ai entendu récemment qu’il coûtait à la France deux milliards d’euros, ce qui m’a rappelé l’aide au développement, mais cela n’a strictement rien à voir avec la réalité. Ce sont des chiffres fantaisistes », a répondu Attaf.
Dans cette affaire, l’Algérie adopte une position de prudence, refusant d’entrer dans une polémique politique française qui ne la concerne pas directement. Cependant, le ministère des Affaires étrangères suit de près l’évolution du débat à Paris, d’autant que l’accord de 1968 reste l’un des piliers de la relation migratoire entre les deux pays, régissant depuis plus de cinquante ans les droits et obligations des ressortissants algériens installés en France.
Ce texte, signé dans le contexte particulier de la fin des années 1960, a souvent été au centre des tensions politiques, notamment lors des périodes électorales en France. L’Algérie, fidèle à sa ligne diplomatique, insiste sur le caractère bilatéral et intergouvernemental de cet accord, rappelant qu’aucune modification ne peut être envisagée sans consultation et consentement mutuel.
Ainsi, en dépit de la portée symbolique du vote de l’Assemblée nationale, l’Algérie considère que rien n’est encore engagé sur le plan institutionnel. Le gouvernement d’Alger se dit confiant dans la capacité des autorités françaises à préserver la stabilité des relations entre les deux pays, tout en espérant que l’accord de 1968 — né d’une volonté commune de coopération et de régulation — ne devienne pas l’otage de calculs politiques internes.