Immigration : des Algériens remis par l’Espagne à la France

Espagne France Algérie relations

Ils étaient partout et nulle part à la fois, discrets mais efficaces, opérant dans l’ombre des routes sinueuses des Pyrénées, reliant l’Espagne à la France. Ce réseau de passeurs, bien organisé et rodé aux moindres failles du système, est aujourd’hui démantelé. L’annonce a été faite par le procureur de Marseille, Nicolas Bessone, ce vendredi 21 mars. Quinze hommes sont désormais poursuivis pour avoir organisé un trafic de migrants, leur permettant d’entrer en France en toute clandestinité.

Les chiffres sont édifiants. Au moins 1 700 migrants auraient bénéficié de cette filière entre la Catalogne et la France, moyennant une somme oscillant entre 150 et 300 euros. Un tarif relativement bas dans l’univers des passeurs, signe d’une forte concurrence entre les réseaux clandestins. Contrairement aux routes maritimes, plus périlleuses et plus coûteuses, ce passage terrestre attirait de nombreux migrants, principalement d’origine algérienne et subsaharienne, en quête d’un avenir meilleur en France ou ailleurs en Europe.

L’organisation du réseau opérant entre l’Espagne et la France ressemblait en tout point à celle d’un trafic de drogue, selon le procureur de Marseille. Les migrants étaient traités comme une « marchandise » que les passeurs transportaient en voiture, usant de toutes les techniques d’évasion et de dissimulation pour éviter les contrôles policiers. Le dispositif était bien huilé : des rabatteurs postés en Espagne pour repérer les potentiels clients, des chauffeurs connaissant chaque itinéraire bis à travers la montagne, des véhicules « ouvreurs » chargés de signaler la moindre présence des forces de l’ordre, et même des logeurs, dont un hôtelier à Perpignan, qui offraient aux migrants une halte discrète avant de poursuivre leur route vers d’autres destinations européennes.

La rentabilité du réseau était indéniable. Avec un minimum de 570 trajets enregistrés en un an, le chiffre d’affaires généré par cette organisation criminelle se comptait en centaines de milliers d’euros. Un business lucratif, mais également extrêmement risqué, tant pour les passeurs que pour les migrants eux-mêmes, souvent entassés dans des voitures trop petites, traversant la frontière dans des conditions précaires et stressantes.

L’opération policière menée dimanche dernier a mobilisé 70 fonctionnaires des deux côtés de la frontière. À Perpignan, Marseille et en Espagne, les arrestations se sont enchaînées. Cinq suspects, de nationalité algérienne et marocaine, ont été interpellés en Espagne et seront remis aux autorités françaises d’ici dix jours. À Perpignan, quatre autres individus ont été arrêtés et devraient être déférés devant la justice. Enfin, six personnes ont été appréhendées à Marseille, dont trois membres d’une même famille. Trois d’entre eux sont déjà placés en détention provisoire, dans l’attente de leur procès.

Les réseaux de passeurs sont devenus un phénomène tentaculaire en Europe. Selon les estimations des autorités européennes, près de 90 % des migrants qui tentent d’atteindre le continent font appel à ces filières clandestines, un trafic qui génère plusieurs milliards d’euros par an. Les nouvelles routes migratoires se réinventent au gré des interdictions et des contrôles renforcés, poussant les passeurs à exploiter des chemins toujours plus complexes et risqués.

La France et l’Espagne restent en alerte face à ce fléau. Le démantèlement de ce réseau est une victoire pour les forces de l’ordre, mais ce n’est qu’une bataille gagnée dans une guerre plus vaste contre les trafiquants de misère. Dans l’attente de nouvelles enquêtes, ces arrestations rappellent l’ampleur du défi migratoire en Europe, où les espoirs d’une vie meilleure se heurtent souvent aux réalités impitoyables des réseaux clandestins.

Lire également :

France : un Algérien fait plier la préfecture et obtient de « plein droit » un titre de séjour de 10 ans

France : voici les sanctions qu’encourent des Algériens touchant le RSA

Salariés algériens en France : un changement radical annoncé