« Inacceptable » : sollicité par l’Algérie, le Pr Zaghib catégorique

Karim Zaghib

Karim Zaghib, un Algéro-Canadien reconnu mondialement pour son expertise dans l’industrie des batteries au lithium, séjourne actuellement en Algérie. Durant son séjour, il a rencontré le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, et le ministre de l’Énergie, Mohamed Arkab. Le professeur Zaghib, ancien directeur du Centre d’excellence sur l’électrification des transports au Canada, a exprimé son désir de contribuer au développement de l’industrie des batteries en Algérie. À travers cette démarche, il souhaite participer à la création d’un écosystème industriel autour du lithium, un minerai dont l’Algérie dispose de grandes quantités, et d’en faire un levier stratégique pour la diversification économique du pays.

Dans un entretien accordé à El Moudjahid, Karim Zaghib a détaillé ses projets et ambitions pour l’Algérie, soulignant notamment le potentiel immense du pays dans ce secteur. Selon lui, les ressources sont disponibles, l’énergie est abondante, et la volonté politique existe pour accompagner le pays dans la transition énergétique. Il a précisé : « Le pays a un potentiel immense. Les ressources sont là, l’énergie est disponible, et surtout, il existe une volonté politique affirmée. » Il a également mis en avant l’importance de la transformation locale des ressources naturelles, en insistant sur le fait que l’exportation de minerais à l’état brut est une démarche inacceptable pour le pays. « L’exportation de minerais à l’état brut, c’est interdit, inacceptable à mes yeux. On n’exporte pas notre pierre : il faut la transformer ici, en Algérie. Cela permettra, non seulement de créer de la valeur ajoutée, mais aussi d’offrir des milliers d’emplois », a-t-il ajouté. Selon lui, la filière lithium pourrait générer jusqu’à 100 000 emplois en Algérie, un secteur porteur pour l’économie nationale.

Pour réussir ce défi, Karim Zaghib plaide pour la création d’une école spécialisée dans la transformation des minéraux critiques, notamment le lithium, afin de structurer cette filière à long terme. Il propose ainsi : « Je propose la création d’une école spécialisée dans les batteries et la transformation des minéraux critiques. » Cette école permettrait de former des experts et des techniciens spécialisés dans ce domaine stratégique, afin d’assurer la montée en compétences nécessaire à l’industrialisation de cette filière.

L’exploitation rapide du lithium est également au centre des préoccupations de Karim Zaghib. Il a précisé que la présence de lithium avait été confirmée dans la région du Hoggar, et que le plus urgent était d’organiser la chaîne de valeur, allant de l’extraction à la production de composants pour les batteries. La production de batteries est d’autant plus importante que le lithium est au cœur des transitions énergétiques mondiales, utilisé dans la fabrication de batteries pour véhicules électriques, le stockage d’énergie, ainsi que dans d’autres secteurs comme les appareils portables et la production de céramiques. L’Algérie, selon Karim Zaghib, dispose de tous les atouts pour devenir un acteur majeur dans ce domaine, avec des ressources naturelles abondantes, un potentiel solaire immense et une position géographique stratégique. « L’Algérie peut devenir un hub énergétique en Afrique et dans la Méditerranée. Mais il faut accélérer la mise en place d’un plan stratégique national pour transformer ces ressources localement, créer une industrie intégrée et rayonner à l’international », a-t-il expliqué.

Le potentiel de l’Algérie ne se limite pas au lithium. En effet, le pays dispose également de terres rares et d’autres minerais stratégiques, ainsi que de grandes ressources en énergie solaire. Tout cela, combiné à un environnement politique favorable, place l’Algérie dans une position idéale pour développer une industrie complète autour du lithium et des batteries électriques. Cependant, pour que cela devienne une réalité, il est nécessaire d’accélérer la mise en œuvre d’un plan stratégique global, avec un processus d’industrialisation bien structuré. « Il faut agir rapidement, de manière structurée, surtout que l’Algérie a l’écosystème nécessaire pour bâtir une industrie du lithium. Cela commence par la formation », a souligné Karim Zaghib.

Dans cette optique, Karim Zaghib recommande à l’Algérie de s’inspirer des modèles étrangers, notamment celui du Chili et du Canada, pour bâtir sa propre expertise nationale en matière d’exploitation et de transformation du lithium. Il a mentionné des discussions en mars dernier entre l’AAPI (Agence algérienne de promotion des investissements) et la société Austroid Corporation pour un projet de transformation du lithium, ainsi que l’intérêt d’autres partenaires étrangers dans ce secteur. Cependant, il insiste sur le fait que l’Algérie doit également développer ses propres capacités internes et mettre en place une stratégie qui lui soit propre, en impliquant des acteurs locaux comme Sonarem, l’entreprise publique chargée de l’exploitation minière.

La transformation du lithium est également au cœur de la stratégie de développement de l’industrie des batteries en Algérie. Le lithium est principalement utilisé dans deux formes : le carbonate de lithium et l’hydroxyde de lithium, qui sont essentiels à la fabrication des cellules de batteries. Pour Karim Zaghib, l’Algérie doit commencer par la transformation locale de ces minéraux avant de passer à la production de batteries et à l’assemblage des véhicules électriques. « Le plan stratégique en cours se concentre sur deux axes : la transformation du lithium et le développement des applications liées aux composants de batteries », a-t-il précisé. Il a souligné que la rencontre avec le ministre de l’Énergie, Mohamed Arkab, et le PDG du groupe Sonarem, avait pour objectif d’accélérer le développement de la filière minière, en particulier la transformation du lithium et d’autres minéraux essentiels à la fabrication des batteries.

En outre, la filière lithium ne se limite pas à la fabrication de batteries électriques pour véhicules, mais englobe également d’autres applications industrielles, notamment la fabrication de céramiques, le secteur pharmaceutique, et la production de verre. Ces multiples utilisations font du lithium un minerai stratégique et polyvalent, dont l’exploitation et la transformation peuvent offrir de nombreuses opportunités pour l’Algérie, à la fois sur le plan économique et environnemental. Dans cette perspective, l’Algérie pourrait également développer un secteur de recyclage des batteries, en créant une chaîne de valeur circulaire et compétitive autour de cette industrie.

Karim Zaghib est convaincu que le développement de cette filière peut avoir un impact majeur sur l’économie algérienne, à condition d’adopter une approche stratégique et de mettre en place une série d’actions coordonnées. « Il existe une vision structurée à court, moyen et long termes, avec un horizon fixé à 2050 », a-t-il indiqué. À court terme, l’objectif est de transformer localement les minéraux comme le lithium, le fer et le phosphate, et de commencer à maîtriser la fabrication des cellules de batteries. À moyen terme, il s’agira de produire des batteries pour véhicules électriques, tandis qu’à long terme, l’Algérie pourrait électrifier son parc automobile et devenir un acteur majeur dans le domaine des énergies renouvelables et du stockage d’énergie.

Dans cette optique, l’Algérie doit investir massivement dans la recherche et l’innovation, renforcer la coopération avec les pays maîtrisant cette technologie et, surtout, structurer son industrie autour de l’exploitation raisonnée et de la transformation locale des ressources. « La recherche est le pilier central. Il faut renforcer les liens entre universités, instituts de formation professionnelle, centres de R&D, et entreprises industrielles », a ajouté Karim Zaghib. Il a également précisé que les six étapes essentielles pour réussir cette transformation sont : la formation, la recherche et développement, l’innovation, la commercialisation, la fabrication et l’industrialisation.

Karim Zaghib a conclu son entretien en réaffirmant son engagement à accompagner l’Algérie dans ce projet ambitieux, tout en soulignant l’importance de la rapidité et de la structuration de l’ensemble du processus. « Nous avons les moyens de réussir. Il faut maintenant agir, avec un plan clair, une vision partagée et une collaboration entre les différents acteurs », a-t-il conclu.

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