Le Premier ministre Sébastien Lecornu a mis un terme clair aux spéculations entourant la possible abrogation de l’accord franco-algérien de 1968. En déplacement à Carentan, dans la Manche, jeudi 30 octobre, le chef du gouvernement a indiqué qu’il n’était pas question d’une rupture immédiate, mais plutôt d’une « renégociation » de l’accord franco-algérien. Ces déclarations interviennent quelques heures seulement après que l’Assemblée nationale a adopté, à une voix près, une résolution symbolique présentée par le Rassemblement national (RN), appelant à dénoncer l’accord franco-algérien.
Sébastien Lecornu a rappelé que cet accord, signé le 27 décembre 1968, six ans après l’indépendance de l’Algérie, « appartient à une autre époque » et que « la période n’est plus la même ». Le Premier ministre a insisté sur le fait que « la politique étrangère de la France n’est pas faite par des résolutions au Parlement » mais relève exclusivement de la compétence du président de la République. « C’est le président de la République qui est garant des traités, qui les négocie et qui les signe », a-t-il précisé, tout en affirmant « respecter le vote » des députés.
La résolution, adoptée par 185 voix contre 184, a bénéficié du soutien des groupes Les Républicains (LR) et Horizons, renforçant ainsi la portée politique du message adressé au gouvernement. Toutefois, ce vote reste avant tout symbolique, car il ne possède aucune valeur juridique. Le texte adopté exprime néanmoins la volonté d’une partie de la classe politique de revoir profondément les termes de cet accord vieux de plus d’un demi-siècle.
L’accord franco-algérien organise les conditions de circulation, de séjour et d’emploi des ressortissants algériens en France. Il leur accorde un statut spécifique, plus favorable que celui des autres étrangers, notamment en matière de délivrance de titres de séjour et de regroupement familial. À l’époque, il visait à maintenir un lien privilégié entre la France et l’Algérie, dans un contexte post-colonial encore marqué par des interdépendances économiques et humaines fortes. Mais pour Sébastien Lecornu, la réalité de 2025 n’a plus grand-chose à voir avec celle de 1968.
Le Premier ministre a souligné que la relation entre Paris et Alger « a souvent été un sujet de politique intérieure en Algérie », laissant entendre que les tensions bilatérales dépassent le simple cadre migratoire. Il a ajouté que la France devait désormais « fonder cette relation sur ses propres intérêts », qu’il a qualifiés d’intérêts « de sécurité et économiques ». Lecornu a insisté sur la nécessité de « ne pas s’enfermer dans un débat de pure politique politicienne » et a appelé à « faire preuve de pragmatisme » dans la gestion des relations franco-algériennes.
Selon le chef du gouvernement, une éventuelle renégociation de l’accord franco-algérien devra tenir compte des réalités contemporaines, notamment de l’évolution du droit européen et des politiques migratoires communes. Il s’agit, selon lui, d’adapter un cadre juridique ancien à un monde désormais globalisé, où les flux migratoires doivent être régulés avec rigueur mais aussi avec respect des engagements bilatéraux.
Dans l’opinion publique, ce débat autour de l’accord franco-algérien réveille des sensibilités profondes. Pour certains, il symbolise une relation déséquilibrée entre les deux pays, tandis que pour d’autres, il représente un pilier historique de coopération et de fraternité. En mettant en avant la notion de « renégociation » plutôt que celle d’« abrogation », Sébastien Lecornu cherche à calmer les esprits tout en laissant la porte ouverte à une évolution encadrée de cet accord.
Le Premier ministre a enfin tenu à rappeler que la France restait attachée à un dialogue constructif avec l’Algérie. Son message se veut ferme mais apaisé : il ne s’agit pas de rompre un lien, mais de le moderniser. Dans les prochains mois, cette position pourrait se traduire par des discussions diplomatiques entre Paris et Alger afin d’ajuster les clauses de l’accord franco-algérien aux défis contemporains.
En mettant fin aux interprétations les plus radicales, Sébastien Lecornu réaffirme la ligne du gouvernement : préserver la relation franco-algérienne, tout en l’adaptant aux enjeux d’aujourd’hui. Une manière de tourner la page d’un passé complexe, sans pour autant en déchirer les fondations.