Depuis qu’il a pris sa retraite, Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie, ne cesse de se faire remarquer par ses critiques acerbes à l’égard du pays où il a servi en tant que représentant diplomatique. Loin de garder une posture diplomatique, il a publié en 2022 un livre controversé intitulé L’énigme algérienne, dans lequel il n’a pas hésité à dresser un portrait sombre de l’Algérie. Cependant, aujourd’hui, c’est Driencourt lui-même qui se retrouve au cœur d’une affaire bien plus embarrassante : une transaction immobilière frauduleuse impliquant la cession d’un terrain appartenant à l’État français à un prix largement sous-évalué.
Driencourt n’a jamais été aussi visible dans les médias français qu’après son départ à la retraite. Le diplomate, qui a servi à Alger de 2008 à 2012 et de 2017 à 2020, a profité de son statut pour publier des analyses et critiques virulentes sur l’Algérie. Parmi ses déclarations, certaines sont devenues tristement célèbres, telles que : « L’Algérie s’effondre sous nos yeux », ou encore, « 45 millions d’Algériens veulent quitter leur pays pour venir vivre en France ». Ces propos, souvent perçus comme exagérés, ont choqué de nombreuses personnes et suscité l’indignation, tant en Algérie qu’en France.
Ce qui est particulièrement troublant, c’est que ces critiques viennent d’un homme qui a servi dans le cadre diplomatique à une époque où les relations entre l’Algérie et la France étaient marquées par des affaires de corruption impliquant des hommes d’affaires et des responsables des deux côtés de la Méditerranée.
Xavier Driencourt, Algérie : une affaire de vente immobilière douteuse
C’est durant cette période trouble qu’une transaction immobilière a eu lieu, plaçant Driencourt dans une position compromettante. Selon des révélations du média algérien El Watan, l’ancien ambassadeur aurait cédé en 2011 un terrain de 10 517 m² situé à El Biar, l’un des quartiers les plus huppés d’Alger, à un prix étonnamment bas. La propriété, connue sous le nom de villa El Zeboudj, est un bâtiment historique mauresque appartenant à l’État français depuis 1936. Pourtant, Driencourt a supervisé la vente de ce terrain à l’homme d’affaires Réda Kouninef, un proche du régime algérien de l’époque, pour la somme de 500 millions de dinars, soit environ 4,87 millions d’euros, un montant largement inférieur à sa valeur réelle estimée.
Pour mettre en perspective l’ampleur de la sous-évaluation, les services des domaines algériens estiment que le terrain valait au moins 230 000 DA par m², ce qui aurait dû porter la vente à environ 2,4 milliards de dinars. En comparaison, trois ans plus tard, un autre ambassadeur de France, André Parant, vendait un terrain voisin de moitié moins grand, mais pour deux fois plus d’argent, à un prix conforme au marché.
Un réseau d’influence et de corruption
L’affaire ne s’arrête pas à la simple question d’un terrain vendu à prix réduit. Le nom de Réda Kouninef, l’acquéreur du terrain, est étroitement lié aux oligarques algériens qui ont prospéré sous le règne de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika. Les Kouninef, à la tête du puissant groupe KouGC, ont longtemps été considérés comme intouchables grâce à leurs connexions avec l’élite politique du pays. Cette vente immobilière s’inscrit dans un schéma plus vaste de transactions douteuses, où les actifs publics étaient bradés à des prix défiant toute logique économique.
Le notaire Salim Becha, impliqué dans cette vente, a joué un rôle clé en facilitant ces transactions, notamment en obtenant la levée du droit de préemption de l’État algérien grâce à l’intervention d’Abdelmalek Sellal, alors Premier ministre. Salim Becha, aujourd’hui en fuite en Espagne, est décrit comme un acteur central des opérations de bradage des biens publics algériens, agissant en tant que facilitateur pour des hommes d’affaires et responsables corrompus.
Des répercussions pour les finances publiques
Le résultat de cette transaction frauduleuse a été un manque à gagner non seulement pour le Trésor public algérien, mais aussi pour l’État français. La sous-évaluation manifeste du terrain et de la villa a privé les deux nations de plusieurs millions d’euros de revenus potentiels. Alors que la France traverse une période de rigueur budgétaire, la révélation de telles pertes ne manquera pas de soulever des questions au sein de l’opinion publique française, qui s’interroge déjà sur la gestion des actifs de l’État à l’étranger.
La presse française, elle aussi, commence à s’emparer de cette affaire, qui soulève des interrogations sur la transparence et l’intégrité des diplomates français en poste dans des pays où la corruption est un problème systémique.
La réponse de l’ambassade de France
Face à ces accusations, l’ambassade de France à Alger n’est pas restée silencieuse. Dans une réponse adressée à El Watan, elle a tenté de justifier la transaction en affirmant que la vente avait été effectuée en toute légalité, conformément aux évaluations de la Mission économique française. Selon cette version, la villa El Zeboudj aurait été estimée à 4,5 millions d’euros en 2009, et la vente conclue à un montant proche de cette estimation.
Cependant, cette explication n’a pas convaincu de nombreux observateurs, qui soulignent que le terrain avoisinant, vendu trois ans plus tard à un prix bien supérieur, démontre une sous-évaluation flagrante de la villa El Zeboudj. La comparaison entre les deux ventes met en lumière des incohérences troublantes, qui renforcent les soupçons de corruption et de malversations.
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