Un rapport sénatorial préconise de poursuivre l’augmentation de la fiscalité sur le tabac en France et prône une augmentation du prix des produits du secteur « d’au moins 3,25 % par an hors inflation jusqu’en 2040 ». Cela pourrait porter le prix du paquet de cigarettes au-dessus des 20 euros en France.
Présenté jeudi, ce rapport du Sénat sur la « fiscalité comportementale en matière de santé » recommande, entre autres, une augmentation de la fiscalité du tabac. Parmi la quinzaine de propositions du rapport, dont les conclusions ont été adoptées mercredi 29 mai par la commission des Affaires sociales de la chambre haute, figure notamment une hausse du prix des produits du secteur « d’au moins 3,25 % par an hors inflation jusqu’en 2040 ».
En tenant compte de l’inflation sur la période vers 2040, la hausse annuelle du prix du tabac en France serait en réalité de 5 %. Une telle évolution entraînerait un doublement du prix du paquet de cigarettes entretemps, passant de 12 euros aujourd’hui à 25 euros dans 16 ans. Ces préconisations s’inscrivent dans une politique de santé publique visant depuis plusieurs années à réduire la consommation de tabac mais aussi à prévenir celle chez les plus jeunes dans une vision de long terme. « L’augmentation du prix fait partie des mesures de politiques publiques les plus efficaces pour réduire le tabagisme dans la population », tranche Guillaume Airagnes, directeur de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT).
« L’idée est de motiver les gens à se sevrer », rappelle au micro de RMC Laurent Karila, porte-parole de SOS Addictions. « C’est la première cause de mort évitable, ça tue 75 000 personnes par an et un fumeur sur deux va mourir du tabac. »
Cependant, les études montrent que les augmentations inférieures du prix du tabac à 4 % n’ont aucune conséquence sur la consommation en France. Plus globalement, les hausses progressives sont insuffisantes pour réduire significativement la consommation. En réalité, elles font plutôt les affaires des cigarettiers et buralistes qui vendent certes un peu moins de marchandises mais à un prix relevé, ce qui crée un effet compensatoire.
Par ailleurs, l’État y trouve également son compte grâce aux recettes fiscales qui représentent quelque 15 milliards d’euros par an : d’où l’intérêt pour la puissance publique de ne pas subir une chute trop brutale de cette manne financière. Selon l’Organisation mondiale de la santé, il faudrait doubler le prix du paquet de cigarettes en l’espace d’une ou deux années pour espérer réduire de moitié la consommation de tabac. Le Comité national contre le tabagisme salue, quant à lui, « le rappel de l’efficacité des hausses de taxes, mais déplore la faiblesse de la trajectoire proposée (3,25 %) en deçà des recommandations scientifiques (10 %) ».
De son côté, le porte-parole de SOS Addictions Laurent Karila se réjouit de toute augmentation du prix. « On sait très bien que la hausse du prix du paquet de cigarettes a toujours un impact », souligne le psychiatre au micro de RMC. « Quand on l’augmente de 10 %, on obtient une diminution du nombre de fumeurs de 4 %. C’est une motivation d’arrêt de consommation chez 40 % des fumeurs quotidiens. »
Certains pays ont déjà opéré des hausses conséquentes du prix du tabac, notamment l’Australie et la Nouvelle-Zélande où le paquet de cigarettes se vend une vingtaine d’euros depuis déjà quelques années. Mais ces deux pays bénéficient de leur territoire pour assurer l’efficacité des augmentations de prix à en croire la proportion de fumeurs dans la population australienne, qui se situe autour de seulement 10 %. Contrairement à la France, les deux États océaniens ne partagent pas de frontières physiques avec des pays limitrophes, ce qui limite les options d’achat à l’étranger à moindre coût pour les consommateurs.
La logique est un peu similaire pour la Grande-Bretagne où le prix du tabac a augmenté de presque 90 % en l’espace de dix ans au début du XXIe siècle avec des résultats significatifs : la prévalence est ainsi passée de 30 % au début des années 2000 à environ 15 % aujourd’hui.
De par sa situation géographique au cœur de l’Europe, la France offre plusieurs solutions aux fumeurs français qui souhaiteraient faire des économies sur le prix de leurs cigarettes. Au sein des départements limitrophes de l’Hexagone, quatre fumeurs sur dix traversent la frontière pour s’approvisionner dans des pays qui n’ont pas augmenté les prix du tabac de manière aussi importante ces dernières années (contre 7 % en moyenne dans les autres départements selon l’OFDT).
« La fiscalité française sur le tabac fait la course en tête sur l’Europe, les rapports de la note sont inacceptables et démontrent une méconnaissance criante des conséquences du prix, tant sur la santé publique du pays que sur la situation économique du réseau », a réagi la Confédération des buralistes.
L’organisation appelle à « un moratoire sur le tabac, tant que les pays frontaliers n’auront pas adapté également leur fiscalité ». Par ailleurs, une partie des achats de cigarettes, bien que minime, s’opère sur le marché parallèle afin de contourner les prix relevés. D’après l’OFDT, l’achat dans la rue ne concerne que 1 % des derniers paquets achetés par les fumeurs mais ce pourcentage pourrait être plus élevé dans les faits. « Sur la période 2017-2019, il y a eu une politique forte de hausse des prix et ça n’a pas fait évoluer les comportements d’achat et les modes d’approvisionnement déclarés par les fumeurs », constate Guillaume Airagnes, directeur de l’OFDT.
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