Malgré la hausse de l’allocation touristique, le marché noir des devises maintenu en Algérie ? Un économiste précise

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Marché noir des devises en Algérie – L’augmentation tant attendue de l’allocation touristique en Algérie semble enfin sur le point de devenir une réalité, après des années de réclamations. Cette décision historique a été officiellement annoncée par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, lors du Conseil des ministres du dimanche 6 octobre. Le pays est à l’aube d’une réforme significative de son système de change, qui pourrait transformer le paysage économique et financier pour les Algériens voyageant à l’étranger.

À l’heure actuelle, le montant de l’allocation touristique accordée par voyageur est dérisoire. Limité à 15.000 dinars, soit environ 100 euros selon le taux de change officiel (1 euro = 146 dinars), ce montant est loin de couvrir les besoins réels des voyageurs algériens. Cette somme, qui n’a pas évolué depuis de nombreuses années, ne correspond plus à la réalité des coûts liés aux voyages internationaux, ce qui a provoqué de nombreuses frustrations et discussions au sein de la société.

Réda Ouanani, un cadre à la Banque extérieure d’Algérie (BEA), a récemment publié une analyse intéressante sur les réseaux sociaux, offrant des perspectives sur la future allocation. Selon lui, le montant de la nouvelle allocation pourrait se situer entre 500 et 1.000 euros par voyageur, une augmentation significative qui alignerait enfin l’Algérie sur les standards internationaux. En comparaison, les cadres algériens en mission à l’étranger bénéficient déjà d’une indemnité journalière de change de 22.000 dinars (environ 150 euros), un montant qui reflète davantage les besoins réels des déplacements internationaux.

Cependant, une telle réforme n’est pas sans conséquence. Ouanani estime que, pour une allocation touristique fixée à 1.000 euros par voyageur, l’impact budgétaire pourrait atteindre 4 milliards d’euros par an. Ce chiffre équivaut à ce que l’État dépense actuellement pour l’importation des matières premières, un secteur essentiel pour l’économie algérienne. Ainsi, quatre millions de voyageurs adultes pourraient bénéficier de cette nouvelle allocation chaque année.

Malgré l’ampleur de cette somme, Ouanani soutient que son financement ne poserait pas de problèmes majeurs. Il suggère que les fonds nécessaires pourraient être partiellement couverts par les transferts de fonds des Algériens expatriés, qui sont actuellement estimés à 2 milliards d’euros par an. Ce montant est toutefois nettement inférieur aux fonds transférés par les expatriés tunisiens (2,7 milliards d’euros) et marocains (12 milliards d’euros). L’une des raisons principales de cette différence réside dans le recours des Algériens aux circuits parallèles pour transférer de l’argent, un phénomène alimenté par le taux de change plus avantageux offert par le marché informel.

Si l’augmentation de l’allocation touristique parvient à affaiblir le marché parallèle des devises, de nombreux économistes estiment que les transferts de fonds de la diaspora via les canaux légaux pourraient augmenter. Cela aurait un effet direct sur la balance des paiements, rendant l’économie algérienne plus transparente et stable.

Toutefois, la mise en place de cette mesure est encore entourée de nombreuses questions. Quelle sera l’ampleur exacte de l’augmentation ? Quelles seront les conditions d’octroi de cette nouvelle allocation ? Et surtout, quel sera le taux de change appliqué à cette allocation augmentée ? Ces interrogations restent pour l’instant sans réponse, et les Algériens devront attendre les annonces officielles pour y voir plus clair.

Réda Ouanani soulève également un point crucial concernant le taux de change. Selon la loi monétaire et bancaire en vigueur, le dinar algérien ne peut pas avoir plusieurs taux de change officiels. Toutefois, appliquer un taux de change subventionné à une allocation touristique, considérée comme un besoin non essentiel, au même titre que les importations de matières premières, qui sont vitales pour l’économie, semble poser problème. Le spécialiste fait remarquer que certains pays en développement ont, avec l’accord du FMI, instauré temporairement un double régime de change : un taux social pour les opérations courantes et un taux libéral pour les opérations de capital.

En Algérie, cette solution pourrait être envisagée pour répondre aux défis actuels, mais Ouanani se demande si la tolérance du marché noir des devises en Algérie ne serait finalement pas une forme de régulation tacite pour permettre l’existence d’un taux de change parallèle.

Ainsi, l’augmentation de l’allocation touristique en Algérie pourrait marquer un tournant dans la gestion des devises et des voyages à l’étranger pour les citoyens. Mais comme le souligne Réda Ouanani, les défis sont nombreux, et seule l’application concrète de cette réforme permettra d’en mesurer les effets réels sur l’économie nationale et les circuits financiers formels.

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