Ce mardi 15 avril 2024, le marché noir algérien des devises a connu une nouvelle envolée, marquée par un bond spectaculaire de l’euro, qui atteint désormais son niveau le plus élevé depuis trois mois. Dans les ruelles fréquentées du Square Port Saïd, véritable épicentre des échanges parallèles de devises à Alger, les cambistes s’affairent dans une ambiance tendue, observant avec attention la courbe ascendante des taux. L’euro, au cœur de cette dynamique, s’est échangé à 255 dinars à l’achat et 257 dinars à la vente, accentuant une progression soutenue observée depuis plusieurs jours. Cette poussée s’inscrit dans un contexte de forte demande, nourrie par une succession d’événements saisonniers et une conjoncture économique qui pèse sur l’accès aux devises via les circuits officiels.
Le phénomène ne se limite pas à la monnaie unique européenne. Le dollar américain, autre acteur majeur du marché informel, suit la même trajectoire ascendante. Ce mardi, il a atteint 237 dinars à l’achat et 241 dinars à la vente, confirmant une tendance globale qui touche les principales devises échangées dans ce circuit. La livre sterling affiche également des niveaux remarquables, avec un taux de 301 dinars à l’achat et 306 dinars à la vente, consolidant sa position de monnaie parmi les plus coûteuses sur le marché noir algérien. Dans cette dynamique, le dollar canadien fait figure d’exception, conservant une relative stabilité à 158 dinars à l’achat et 162 dinars à la vente. Cette stagnation reflète probablement une demande moindre, concentrée autour de cas spécifiques tels que les étudiants ou les familles établies au Canada.
Cette flambée s’explique par plusieurs facteurs convergents. L’un des éléments majeurs réside dans l’approche des grands rassemblements religieux, en particulier le Hadj et la Omra, qui nécessitent des montants conséquents en devises étrangères. Les futurs pèlerins, nombreux à chercher des moyens de couvrir leurs dépenses, se tournent massivement vers le marché informel, les circuits bancaires classiques ne répondant que partiellement à leurs besoins. À cela s’ajoute une offre en devises de plus en plus contrainte sur le marché noir, en partie en raison de contrôles accrus et de limitations imposées par les autorités, rendant les devises plus rares et donc plus chères. Le déséquilibre entre l’offre et la demande alimente mécaniquement la hausse des taux, dans un climat de forte incertitude.
Cette réalité contraste fortement avec les taux officiels communiqués par la Banque d’Algérie. Sur le marché interbancaire, réservé aux institutions agréées, l’euro est affiché à 150,29 dinars, soit plus de 100 dinars de moins que sur le marché noir. Le dollar américain y est coté à 132,14 dinars, la livre sterling à 173,58 dinars, et le dollar canadien à 95,24 dinars. Ces écarts révèlent une dichotomie persistante entre l’économie formelle et la réalité monétaire vécue par les citoyens algériens. Le fossé entre les deux marchés crée une distorsion dont les effets s’étendent bien au-delà des seuls cambistes, impactant aussi bien les familles que les entrepreneurs, les étudiants ou les malades nécessitant des soins à l’étranger.
Privés d’accès facile aux devises par des voies légales, les Algériens se retrouvent contraints de passer par des moyens informels, où les fluctuations échappent à tout contrôle institutionnel. Cette situation favorise l’émergence d’une économie parallèle qui, malgré sa marginalité administrative, occupe un rôle central dans la gestion des besoins quotidiens en monnaie étrangère. Dans ce contexte, les marges de manœuvre semblent limitées pour inverser la tendance, sauf à repenser en profondeur le système de change, à renforcer la transparence dans la distribution des devises, et à instaurer un véritable réseau de bureaux de change accessibles à tous. Faute de quoi, la spéculation continuera d’imposer sa loi, et l’euro, comme les autres devises, poursuivra sa course sur les hauteurs du marché noir algérien.
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