Jeunes algériens – Sans le jeune étudiant algérien Mouloud Addouche et toute son équipe, des milliers d’étudiants étrangers en Ukraine, et notamment algériens auraient péri. Tout le monde est unanime à dire que c’est grâce à lui que bon nombre de personnes ont pu quitter le sol ukrainien, alors que la guerre avec les russes battait son plein. L’alternant en informatique, plus précisément en Data Science, chez la grande firme française SFR à Paris, a fait des mains et des pieds, afin de permettre à ses compatriotes de rentrer chez eux. Interrogé par DNAlgérie sur sa démarche, le très sympathique jeune homme originaire du quartier d’Ain Naadja à Alger, a répondu volontiers à toutes nos questions.
DNAlgérie : qu’est qui vous a vraiment poussé à agir pour aider les étudiants algériens bloqués en Ukraine, lors des tout premiers bombardements russes ?
Mouloud : étant très actif sur les réseaux sociaux, surtout sur Instagram, réseau dans lequel j’ai une communauté assez large, j’ai remarqué beaucoup de commentaires appelant à l’aide, j’ai également reçu beaucoup de cris de détresse à partir du 24 février, soit premier jour de guerre. Sincèrement, moi qui aime bien aider les gens, je n’ai pas pu rester insensible à leur appel. Au début, j’ai essayé tant bien que mal de leur remonter le moral, mais en vain. Ils avaient besoin de beaucoup plus. C’est à ce moment là que j’ai sollicité des amis qui n’ont pas du tout hésité pour prêter main forte à nos compatriotes, d’autant qu’il y avait parmi eux des jeunes filles âgées de tout juste 19 ans.
Voici le profil de Mouloud. On vous invite à le découvrir : mouloud_addouche
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Comment vous êtes-vous organisés ?
Au tout début on était à six au total. Je précise qu’on ne connaissait même pas à la base. C’était la gravité de la situation qui nous avait réunis. On avait la fierté algérienne, qui nous poussait à aider nos chers compatriotes. On payait nous mêmes de nos poches des billets de bus et des lits en auberges de jeunesse en Pologne aux algériens. Ensuite le nombre de personnes qui nous sollicitait a augmenté d’une manière drastique, ce qui a fait qu’on ne pouvait plus gérer tout ce flux, sachant surtout qu’on a même reçu des messages de personnes originaires d’Ouzbékistan, des autres pays du Maghreb…etc, tellement on est devenus une référence.
Toutes ces données m’ont poussé à demander de l’aide à mes abonnés sur Instagram. Ces derniers ne m’ont pas du tout déçu. Je ne les remercierai jamais assez pour cela ! En premier, je faisais l’intermédiaire entre les personnes qui voulaient sortir d’Ukraine et celles qui voulaient les aider.
Puis, à un certain moment, on a vu qu’on pouvait faire mieux, et c’est là que j’ai posté mon compte Paypal en story, et figurez vous qu’on a pu récolter pas moins de 8000 euros en quelques heures. Suite à cela, on s’est très bien répartis les tâches avec toute mon équipe, on a créé un groupe sur Télégram que je gérais via mon Insta, qui nous a énormément servi. On a même créé un fichier Excel, dans le but d’optimiser notre organisation. Une partie de l’argent récolté a également été reversée à une association en Algérie, qui l’a bien reçu et nous a délivré un document dans ce sens.
Je tiens à préciser qu’au départ, ça allait être réservé exclusivement aux algériens, mais face au désespoir de milliers de personnes, on a décidé d’aider toute personne qui m’envoie un message sur mon compte Instagram, à condition d’avoir le nom, le prénom, la ville, le type d’aide dont a besoin la personne, ainsi qu’une copie du passeport.
On était investis à 100% pendant pas moins de 11 jours. On faisait des gardes 24H/24H, pour éviter une longue attente. Ceci nous a permis d’aider un peu plus de 1000 personnes de toutes origines. Ce qui n’est pas rien, eu égard aux circonstances.
Quel est le cas qui a vous a le plus choqué ?
Pour ceux qui étaient à Kiev, disons que c’était assez calme au début, les moyens de transport étaient toujours opérationnels. C’est ce qui a permis à un grand nombre de personnes de fuir la capitale ukrainienne. Par contre, c’était beaucoup plus compliqué du coté de Kharkiv, ville dans laquelle était bloqué un jeune étudiant algérien. On ne pouvait même pas le joindre à cause de la forte intensité des bombardements. On attendait qu’il puisse sortir d’une cave, dans laquelle il se cachait, afin d’échanger avec lui. Il a essayé à maintes reprises de quitter la ville, mais en vain. On essayait tant bien que mal de le rassurer, bien qu’au fond de nous on était pessimistes.
C’est grâce à un ami, que j’ai connu pendant cette crise, que l’affaire de ce jeune étudiant algérien a connu une fin heureuse. En effet, étant résident en Pologne, ce dernier connait assez de monde en Ukraine. Il a donc demandé à plusieurs personnes assez influentes de relayer l’appel à l’aide de l’étudiant. Celui-ci a pu, grâce à cela, quitter la ville de Kharkiv dans un véhicule d’une association humanitaire, puis il a pris un bus jusqu’à la frontière polonaise, région dans laquelle il a été accueilli à bras ouverts par ses compatriotes algériens.
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Certes, vous répondiez à tout le monde, mais la question qui se pose : est ce que vous aidiez tout le monde ?
On est partis du principe qu’il fallait aider le maximum de personnes possible. On étudiait pour cela les situations de chacun, on faisait donc du cas par cas, puis on statuait sur la nature de l’aide à fournir à la personne. Je ne vous cache pas le fait qu’on ait reçu des demandes quelque peu douteuses, auxquelles on n’a pas donné suite. Disons que, la méfiance était de mise, sachant pertinemment dès le départ qu’il y aurait bien des personnes malintentionnées. On devait faire attention surtout qu’on dépensait l’argent de personnes qui nous ont fait confiance à 100%, on se devait en toute logique de ne pas les décevoir.
Quelles seraient les personnes auxquelles vous voudriez bien rendre hommage ?
Je tiens à rendre un vibrant hommage à toutes les personnes qui étaient investies, pendant cette crise. Je cite à cet effet :
Amina : étudiante en Master à Paris. Elle est active dans le bénévolat à l’international. Elle a déniché pas mal de familles d’accueil à des personnes qui sollicitaient.
Yousra : chirurgienne dentiste ayant eu ses diplômes en Russie et qui exerce son métier en Algérie.
Sabrina : cadre chez Orange à Paris.
Aaridj : étudiante en Ukraine. Celle-ci a quitté ce pays une semaine avant le déclenchement de la guerre.
Yamely : étudiante en Algérie.
Lilia : étudiante algérienne en France.
Djihad : ressortissant algérien établi en Ukraine.
Réda et Ramzy : respectivement designer et Data Scientist algériens établis en Pologne. Ils ne faisaient pas partie du groupe Télégram, mais leur aide a été extrêmement précieuse.
Pour conclure, quel est le message que voudrait bien transmettre Mouloud Addouche aux jeunes algériens ?
Je vais me permettre de donner deux conseils aux étudiants algériens. C’est bien d’être ambitieux, c’est bien de vouloir progresser dans la vie, mais avant d’envisager de quitter l’Algérie pour une autre destination, faites d’abord un travail de recherche sur le pays, dans lequel vous comptez vous installer. Cela vous épargnera d’avoir de mauvaises surprises. Je conseillerai également à nos jeunes d’exploiter l’énorme potentiel des réseaux sociaux à bon escient, sachant que ceux-ci peuvent constituer une énorme puissance lorsqu’ils sont bien utilisés. L’affaire des personnes bloquées en Ukraine en est la preuve. Ne faites pas que de relayer des vidéos Tiktok sur vos comptes !
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