Paris : un restaurant condamné à donner plus de 10.000 euros à un sans papiers

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À Paris, une décision judiciaire rare vient d’être rendue publique par Le Parisien, concernant un sans papiers employé dans la restauration. Ousmane, un Mauritanien de 35 ans, a obtenu gain de cause contre son ancien employeur. Ce dernier a été condamné par le tribunal judiciaire de Paris à verser 11 000 euros, après que le cuisinier sans papiers a été expulsé illégalement de son logement de fortune. L’homme travaillait dans un restaurant du Xe arrondissement de Paris, l’Appartement Saint-Martin, tout en vivant au-dessus d’un autre établissement du même propriétaire, les Triplettes de Belleville, avec sa femme et leur bébé. Le studio de 10 m², situé à Paris, leur était facturé 580 euros par mois, directement prélevés sur le salaire d’Ousmane, qui, en tant que sans papiers, ne bénéficiait d’aucun contrat de bail ni des protections afférentes.

La situation aurait dégénéré fin novembre, lorsqu’Ousmane a commencé à recevoir des messages de menaces, notamment du chef cuisinier de l’établissement. Ce dernier lui aurait écrit des propos inquiétants, l’invitant à quitter les lieux sous peine d’en être expulsé violemment, sans considération pour sa situation de sans papiers ni pour la présence de son nourrisson. En février, Ousmane est mis à pied, l’électricité est coupée dans le studio, puis la serrure changée. Le couple, redoutant la rue, tente de garder une présence continue dans le logement. Mais le 11 mars, ils doivent emmener en urgence leur bébé malade à l’hôpital. À leur retour, à Paris, l’accès leur est interdit. Le studio est vide, toutes leurs affaires ont disparu : documents officiels, argent liquide, vêtements, matelas, même le carnet de santé du bébé. Un acte qui, pour un sans papiers à Paris, dépasse le simple litige et touche à l’atteinte à la dignité humaine.

C’est à ce moment-là qu’intervient la Fondation pour le logement, ex-Fondation Abbé Pierre, qui entre en contact avec Ousmane grâce à une mise en relation par la Ville de Paris. Une plainte est déposée, et un signalement est adressé à la procureure de la République de Paris par Ian Brossat, sénateur communiste, évoquant clairement une atteinte à la dignité humaine. Le juge Frédéric Gicquel, en charge des contentieux de la protection, rend sa décision le 29 avril : il estime que la mise à disposition du logement s’est faite en dehors de toute règle, sans avenant ni mention d’un avantage en nature. Le juge souligne également que le sans papiers n’a jamais quitté volontairement les lieux, contrairement à ce qu’affirme la défense. Une affirmation contredite aussi par l’état de grande précarité dans laquelle la famille s’est retrouvée à Paris, privée de ses effets personnels et menacée de signalement à la police malgré sa situation irrégulière.

Le tribunal a tranché en condamnant l’entreprise du restaurateur Jean-Luc Lai à payer 7 000 euros pour préjudice moral et 4 000 euros pour le préjudice matériel. La responsable de la Fondation pour le logement, Marianne Yvon, souligne la portée symbolique et concrète de cette décision, rarement favorable à des personnes sans papiers dans une ville comme Paris, même en cas de maltraitance manifeste. Elle précise que d’ordinaire, ces montants sont bien plus bas, ce qui rend cette condamnation particulièrement significative. Le travail de coordination entre la Ville de Paris, la CGT, et les associations de défense des droits a été essentiel pour aboutir à ce résultat.

L’avocat de Jean-Luc Lai, Me Georges Sauveur, dénonce de son côté une « ineptie juridique » et annonce son intention de faire appel. Il prévoit également de saisir le premier président de la cour d’appel de Paris pour suspendre l’exécution provisoire de cette décision. Cependant, l’impact médiatique et judiciaire de cette affaire à Paris pourrait bien renforcer la vigilance sur les pratiques employeurs vis-à-vis des sans papiers. En attendant, Ousmane et sa famille attendent toujours justice au pénal, tandis que l’inspection du travail poursuit ses investigations. Ce cas illustre les vulnérabilités extrêmes auxquelles les sans papiers peuvent être confrontés dans une ville comme Paris, où les mécanismes de protection ne sont pas toujours adaptés à leur réalité.