Le mercredi 23 avril, sur les plateaux conjoints de RMC et BFMTV, le ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau s’est exprimé sur l’état actuel des relations entre la France et l’Algérie. Au fil de l’entretien, il a abordé les récentes décisions diplomatiques, les tensions croissantes et les répercussions humaines. Mais c’est surtout une phrase de Retailleau qui a retenu l’attention : « Je prends beaucoup de précautions pour distinguer le régime algérien du peuple algérien ». Une déclaration de Retailleau, sur le peuple algérien, qui intervient dans un climat déjà alourdi par des mesures de rétorsion inédites.
Le 13 avril, les autorités algériennes ont pris la décision d’expulser douze agents français affectés à l’ambassade de France à Alger. Une décision forte, sans équivalent depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962, et qui a été perçue comme un signal clair envoyé à Paris. Les douze fonctionnaires, qui ont dû quitter leur poste du jour au lendemain, étaient en lien direct avec plusieurs dossiers sensibles. Cette mesure n’est pas survenue au hasard, mais s’inscrit dans une logique d’affirmation de souveraineté et de réaction à des provocations jugées répétées.
Selon Retailleau, ces agents étaient « très choqués ». Certains auraient laissé derrière eux une famille, des enfants inscrits dans des établissements scolaires à Alger, ou encore une compagne de nationalité algérienne. L’évocation de ces aspects personnels visait sans doute à susciter l’émotion, mais elle n’efface en rien les raisons profondes de cette mesure prise par l’Algérie. Car pour Alger, l’heure n’est plus à la patience. L’Algérie estime depuis longtemps que les accords bilatéraux sont bafoués, et que les gestes hostiles venant de Paris se sont multipliés, notamment en matière de contrôle consulaire, de traitements différenciés, ou encore de propos jugés stigmatisants à l’endroit de la diaspora algérienne.
La réaction de l’Algérie s’inscrit également dans une dynamique de rééquilibrage. Les expulsions ont été accompagnées d’un message clair : il ne sera plus question d’accepter des ingérences ou des attitudes méprisantes. Ce rappel à l’ordre ne concerne pas le peuple français, mais bien les responsables politiques et les choix qu’ils incarnent. Le ton de Bruno Retailleau, malgré sa prétention à distinguer pouvoir et population, n’a pas convaincu de l’autre côté de la Méditerranée, où ses précédentes prises de parole ont été perçues comme hostiles, voire délibérément provocatrices.
Le ministre français a également évoqué le cas de Boualem Sansal, écrivain franco-algérien condamné à cinq ans de prison fin mars. Il a rappelé que ce dernier est « toujours aussi malade », « toujours aussi âgé », et qu’ »il n’a pas été libéré ». Cependant, aucune mention n’a été faite des accusations précises qui ont mené à cette condamnation, ni des procédures judiciaires engagées en Algérie. Une omission que certains observateurs jugent révélatrice d’une approche à sens unique.
Autre point abordé : les obligations de quitter le territoire français (OQTF) concernant des ressortissants algériens. Retailleau a accusé l’Algérie de ne pas respecter l’accord de 1994 en refusant de réadmettre certains de ses ressortissants. Pourtant, ce sujet n’est pas nouveau. L’Algérie, à maintes reprises, a exprimé sa volonté de réévaluer ces accords, les jugeant unilatéraux et dépassés. Les conditions de vie des personnes visées par les OQTF, la manière dont elles sont traitées en France, et l’absence de garanties pour leur retour en sécurité sont des éléments souvent ignorés dans le discours politique français.
La déclaration finale du ministre français – « si on en reste là, je n’imagine pas qu’on ne puisse pas prendre de nouvelles mesures » – laisse entendre que Paris se réserve le droit de durcir encore le ton. Une perspective qui, loin d’apaiser les choses, pourrait accentuer le fossé déjà profond entre les deux pays.
Dans la presse algérienne, les réactions ne se sont pas fait attendre. Retailleau y est décrit comme une figure de la défiance envers l’Algérie, un homme au discours glacial et ciblé, alimentant une forme de discours qui n’a pas sa place dans les relations équilibrées. Les tensions actuelles ne sont pas le fruit d’un malentendu passager, mais le résultat d’années de non-dits, de condescendance diplomatique et de dossiers gelés.
Dans ce contexte, la distinction entre peuple et régime algérien, brandie comme un argument de bonne foi par Retailleau, n’a pas suffi à effacer l’impression d’un affront diplomatique profond. L’Algérie, dans cette affaire, estime avoir agi en défense de sa dignité, de ses institutions et de ses citoyens. Un message clair, envoyé sans détour.
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