Refus de changement de statut : un Algérien fait condamner une préfecture

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Un Algérien vient d’obtenir gain de cause devant la justice administrative après un long bras de fer avec la sous-préfecture de L’Haÿ-les-Roses. Le tribunal administratif de Melun a suspendu la décision implicite de refus opposée par le préfet du Val-de-Marne à la demande de changement de statut déposée par ce ressortissant algérien, qui souhaitait passer d’un titre de séjour portant la mention « stagiaire » à celui d’« étudiant ». C’est ce qu’a révélé l’avocat Me Fayçal Megherbi dans une contribution transmise à la rédaction de DNAlgérie, détaillant une affaire emblématique de la lenteur et du manque de diligence de certaines préfectures françaises.

Selon le récit des faits, M. P.M., Algérien, est arrivé en France en juillet 2024 muni d’un visa de long séjour « stagiaire », valable jusqu’en octobre 2024. Durant cette période, il a effectué un stage de fin d’études au sein d’une société française, tout en poursuivant une formation en master de management et stratégies d’entreprise. À l’issue de ce stage, désireux de continuer ses études et de s’inscrire dans un cursus universitaire, il a sollicité un changement de statut afin d’obtenir un certificat de résidence en qualité d’étudiant. Cette demande, déposée officiellement le 17 février 2025 auprès de la sous-préfecture de L’Haÿ-les-Roses, n’a pourtant jamais reçu de réponse claire de l’administration.

L’Algérien a ensuite appris, plusieurs mois plus tard, que son dossier avait été « égaré ». Malgré cette situation ubuesque, il a redéposé l’ensemble des documents le 29 juillet 2025 et s’est vu remettre un simple récépissé de trois mois, sans autorisation de travail. Cette absence de droit au travail l’a empêché de poursuivre son alternance, condition pourtant essentielle pour valider son diplôme. Face à cette impasse administrative, il a décidé de saisir la justice.

Le 29 septembre 2025, son avocat a déposé une requête devant le juge des référés du tribunal administratif de Melun, demandant la suspension de la décision implicite de refus de changement de statut prise par le préfet du Val-de-Marne. L’objectif était clair : obtenir la reconnaissance de son droit à un certificat de résidence « étudiant » et contraindre la préfecture à réexaminer son dossier. Dans sa demande, l’avocat invoquait à la fois l’urgence de la situation et l’existence d’un doute sérieux sur la légalité de la décision préfectorale.

Dans sa plaidoirie, Me Fayçal Megherbi a souligné que l’urgence était manifeste : « Mon client, ressortissant algérien, ne peut ni poursuivre son alternance ni valider son diplôme sans un titre de séjour adapté. Cette situation porte une atteinte grave et immédiate à son parcours académique et à son avenir professionnel. » Le juge des référés a reconnu cette urgence, estimant que l’exécution de la décision litigieuse compromettait directement les intérêts de l’étudiant.

Le magistrat s’est ensuite penché sur la légalité du refus implicite de changement de statut. En se référant à l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, notamment à son Titre III, le juge a rappelé que « les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou des études en France et justifient de moyens d’existence suffisants ont droit à un certificat de résidence d’un an portant la mention “étudiant” ou “stagiaire” ». Or, M. P.M., Algérien inscrit régulièrement dans un établissement d’enseignement supérieur en France, remplissait pleinement ces conditions.

Aucune réponse n’ayant été apportée par la préfecture du Val-de-Marne – qui n’a d’ailleurs pas produit de mémoire en défense – le juge a estimé que le silence de l’administration équivalait à une faute. « L’administration n’a pas apporté d’éléments justifiant le refus implicite. Ce silence, ajouté à la perte du dossier et à la délivrance de récépissés incomplets, constitue une erreur manifeste d’appréciation », note la décision.

L’affaire met en lumière les difficultés rencontrées par de nombreux ressortissants étrangers, et notamment algériens, lorsqu’ils demandent un changement de statut auprès des préfectures françaises. Entre lenteurs administratives, erreurs de gestion de dossiers et absences de réponse, beaucoup se retrouvent dans des situations de précarité juridique et sociale. Me Megherbi souligne d’ailleurs que ce cas « illustre la nécessité pour les autorités françaises d’appliquer avec rigueur les stipulations de l’accord franco-algérien, garantissant un traitement équitable des demandes de séjour des étudiants et stagiaires ».

Le juge des référés, estimant que les deux conditions de l’article L.521-1 du Code de justice administrative étaient réunies – à savoir l’urgence et le doute sérieux sur la légalité de la décision – a rendu une ordonnance en faveur du requérant. La décision du 20 octobre 2025, rendue sous le numéro 2513964, ordonne la suspension de la décision implicite de refus du préfet du Val-de-Marne. Elle enjoint également à ce dernier de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. P.M. en qualité d’étudiant, avec l’autorisation de travail accessoire correspondante, dans un délai de sept jours à compter de la notification de l’ordonnance.

La juridiction a en outre précisé que cette autorisation devait être renouvelée sans discontinuité jusqu’au jugement définitif sur le fond, garantissant ainsi à l’intéressé la possibilité de poursuivre ses études dans des conditions normales. Cette injonction vise à protéger le droit fondamental à l’éducation et à éviter qu’un Algérien en situation régulière ne soit pénalisé par des dysfonctionnements administratifs.

Ce dossier, au-delà du cas individuel de M. P.M., met en évidence les failles du système préfectoral français dans le traitement des demandes de changement de statut. Il souligne aussi la complexité des démarches auxquelles sont confrontés les ressortissants étrangers, même lorsqu’ils remplissent toutes les conditions légales. « Ce jugement rappelle que l’administration n’est pas au-dessus du droit », a insisté Me Fayçal Megherbi dans sa contribution, saluant une décision « juste et conforme aux principes du droit administratif français ».

L’accord franco-algérien, toujours en vigueur, confère pourtant aux étudiants algériens des droits spécifiques en matière de séjour, censés simplifier leurs démarches et leur garantir une stabilité durant leurs études. Mais dans la pratique, ces droits se heurtent souvent à des obstacles bureaucratiques. L’affaire P.M. démontre que la voie judiciaire reste, pour beaucoup, la seule issue pour faire valoir leurs droits face à l’inertie administrative.

L’enjeu dépasse le seul cadre individuel : il s’agit aussi d’une question de respect des engagements internationaux de la France et de la qualité de l’accueil réservé aux étudiants étrangers. En obligeant la préfecture à revoir sa position, le tribunal administratif de Melun envoie un message clair aux autorités locales : les refus implicites et les retards injustifiés ne sauraient être tolérés lorsque des droits fondamentaux sont en jeu.

La décision crée un précédent pour d’autres Algériens confrontés à des refus similaires de changement de statut. Elle rappelle que la justice administrative peut servir de contrepoids à l’arbitraire préfectoral. Elle met également en lumière le rôle essentiel des avocats spécialisés dans le droit des étrangers, comme Me Megherbi, qui veillent à ce que les garanties prévues par la loi soient effectivement appliquées.

Le tribunal administratif, en se fondant sur des principes juridiques clairs, a ainsi rappelé que le changement de statut d’un Algérien étudiant ne saurait être refusé sans motifs légaux, dès lors que les conditions d’inscription et de ressources sont remplies. La condamnation de la préfecture du Val-de-Marne à réexaminer la situation de M. P.M. marque une victoire importante pour le droit à l’éducation, la justice administrative et le respect des engagements franco-algériens.

Cette affaire illustre enfin un paradoxe souvent dénoncé par les praticiens du droit : alors que la France encourage l’attractivité universitaire et la mobilité internationale, nombre d’étudiants étrangers subissent des entraves administratives qui contredisent cet objectif. Grâce à la vigilance d’un avocat et à la détermination d’un jeune Algérien, la justice a, cette fois, rétabli l’équilibre entre la loi et l’administration. Un rappel salutaire que le droit, lorsqu’il est correctement invoqué, reste la meilleure protection contre l’arbitraire administratif.