Renault injecte en Algérie « à peine de quoi équiper un salon de coiffure pour femmes à Paris »

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Renault injecte en Algérie « à peine de quoi équiper un salon de coiffure pour femmes à Paris », une phrase cinglante prononcée par l’ancien ministre de l’Industrie, Ferhat Aït Ali, au cours d’un entretien accordé à Echourouk, qui résume en quelques mots l’écart abyssal entre les promesses du constructeur automobile français et les résultats concrets observés sur le terrain. Après plus de six années d’activité à Oued Tlelat, près d’Oran, Renault n’a atteint qu’un taux d’intégration de 4 %, là où le cahier des charges imposait un minimum de 30 % au bout de cinq ans. Une situation qui a fini par pousser les autorités à suspendre toute activité du groupe en 2020, dans un contexte où les attentes industrielles ont été remplacées par des calculs purement commerciaux et peu avantageux pour l’économie nationale.

La situation devient encore plus éloquente lorsqu’on découvre que Renault injecte en Algérie un montant d’à peine 10 millions d’euros, alors même que le financement global du projet a été largement assuré par l’État algérien. En effet, la Banque nationale d’Algérie a accordé un prêt de 160 millions d’euros, tandis que Renault injecte en Algérie un capital dérisoire pour une entreprise de cette envergure. La structure de participation accorde 49 % au groupe français, le reste étant détenu par des partenaires publics algériens, à savoir Madar (34 %) et le Fonds national d’investissement (17 %), ce qui souligne encore plus le déséquilibre du partenariat.

Dans un pays voisin, Renault a pourtant investi 2 milliards d’euros, intégralement financés par ses propres moyens, et sans aucune participation de l’État hôte. Ce double standard suscite de nombreuses interrogations, notamment sur le rôle joué par l’ancien ministre de l’Industrie Abdeslam Bouchouareb, aujourd’hui réfugié en France et visé par des demandes d’extradition que Paris refuse d’exécuter. D’après Ferhat Aït Ali, les négociations ont été menées au détriment de l’intérêt national, allant jusqu’à accepter d’exclure certains composants clés comme le moteur et la boîte de vitesses du calcul du taux d’intégration, ce qui a permis à Renault de maquiller ses chiffres tout en évitant des investissements structurels indispensables.

Le retour souhaité de Renault sur le sol algérien s’accompagne de tentatives de communication habiles, parfois trompeuses, cherchant à faire passer le groupe pour une victime des tensions diplomatiques entre Paris et Alger. Pourtant, les raisons de la fermeture de l’usine sont strictement techniques et juridiques : non-respect du cahier des charges, faiblesse de l’intégration industrielle, refus de s’engager dans une vraie production locale. À cela s’ajoutent des tentatives de pression diplomatique que Ferhat Aït Ali dit avoir refusées en bloc. Lorsqu’il était ministre, il affirme avoir reçu des représentants français, y compris les ambassadeurs Xavier Driencourt et François Gouyette, qui ont cherché à l’influencer en liant le dossier industriel aux problématiques des visas et des migrants. Il dit avoir refusé tout compromis, rappelant que sa mission se limitait à l’industrie et non à la diplomatie.

Le président de la Chambre de commerce et d’industrie algéro-française, Michel Bisac, a récemment révélé que les autorités algériennes ont rejeté une nouvelle proposition de Renault pour relancer l’activité à Oran. Un montant de 120 millions d’euros aurait été proposé pour moderniser le site, mais sans garantie concrète sur la conformité aux nouvelles règles. Or, le cahier des charges de 2022, mis à jour justement pour éviter la répétition des erreurs passées, fixe désormais un minimum de 10 % d’intégration locale dès la deuxième année, avec une montée progressive à 30 % en cinq ans. Si Renault injecte en Algérie un tel montant sans engagement réel à produire localement, l’histoire risque fort de se répéter.

Pour Ferhat Aït Ali, la logique est simple : si Renault veut vraiment revenir, elle doit produire les carrosseries sur place, s’engager à créer un écosystème industriel complet, et surtout cesser de chercher à contourner les règles au moyen d’arrangements opaques. Tant que cette exigence ne sera pas remplie, les portes resteront fermées. Ce que Renault a investi jusqu’à présent – “à peine de quoi équiper un salon de coiffure pour femmes à Paris” – illustre l’écart criant entre l’image d’un groupe mondial et la réalité de ses engagements en Algérie.