Tebboune met en garde Macron : « vous faites une grave erreur »

Macron Tebboune visite en France

Les relations entre Alger et Paris traversent une période de turbulences marquées par une succession de tensions sur des dossiers sensibles. Dans un entretien exclusif accordé à L’Opinion le 30 janvier et publié en soirée de ce 2 février, le président algérien Abdelmadjid Tebboune n’a pas mâché ses mots et a abordé sans détour les sujets brûlants qui empoisonnent les liens entre les deux pays. Il a dénoncé ce qu’il considère comme une « campagne systématique de dénigrement » orchestrée par certains milieux politiques en France, tout en réaffirmant son attachement à un dialogue constructif avec Paris. Toutefois, sur le dossier du Sahara occidental, sa position est sans équivoque : Tebboune met en garde le président Emmanuel Macron contre ce qu’il qualifie de « grave erreur ».

Le dirigeant algérien reproche à la France de ne pas tenir une ligne claire sur la question du Sahara occidental, un sujet hautement stratégique pour l’Algérie. « Je l’ai prévenu : vous faites une grave erreur », a confié Tebboune, en référence à la position fluctuante de Macron sur ce dossier. L’Algérie, qui soutient activement la cause sahraouie et plaide pour un référendum d’autodétermination sous l’égide de l’ONU, voit d’un très mauvais œil tout rapprochement entre la France et le Maroc sur cette question. L’attitude ambiguë de l’Élysée, qui oscille entre soutien implicite au plan marocain d’autonomie et maintien d’une posture diplomatique prudente, suscite l’irritation à Alger. Pour Abdelmadjid Tebboune, toute tentative de reconnaissance du Sahara occidental comme territoire marocain par la France constituerait une rupture inacceptable avec les principes du droit international.

Mais le Sahara occidental n’est qu’un des nombreux points de friction entre les deux capitales. Le chef de l’État algérien s’est également montré particulièrement critique sur la gestion des accords de 1968 régissant la circulation des Algériens en France. Ces accords, régulièrement remis en cause par une partie de la classe politique française, sont perçus par le président Tebboune comme une cible facile pour les courants extrémistes qui cherchent à instrumentaliser la question migratoire. Il a dénoncé des pressions politiques visant à restreindre les visas pour les ressortissants algériens, une mesure qui, selon lui, s’inscrit dans un climat de défiance alimenté par certains responsables français.

Le président algérien a également évoqué l’affaire Boualem Sansal, écrivain controversé et critique du régime, détenu en Algérie. Il a tenu à préciser que Sansal bénéficie d’un accès aux soins et peut communiquer avec ses proches, tout en laissant entendre que son sort dépendra de la justice. Une déclaration qui ne manquera pas de faire réagir en France, où plusieurs voix se sont élevées pour réclamer sa libération.

Autre sujet délicat abordé par Abdelmadjid Tebboune : la situation de la Grande Mosquée de Paris. Le président algérien a exprimé son soutien au recteur de cette institution, tout en regrettant l’atmosphère « malsaine » qui entoure la gestion de ce lieu de culte emblématique. Il a dénoncé une ingérence dans les affaires religieuses et a plaidé pour une approche apaisée dans le traitement des questions liées à l’islam en France.

En matière de coopération sécuritaire, Tebboune a laissé entendre qu’un retour au dialogue était envisageable, mais sous certaines conditions. Il a insisté sur la nécessité pour la France de prendre ses responsabilités dans la gestion des djihadistes radicalisés sur son sol, rappelant que l’Algérie ne saurait être tenue pour responsable des choix de ces individus. Un message qui s’inscrit dans une volonté de rééquilibrer les relations bilatérales en matière de lutte contre le terrorisme.

Sur la mémoire coloniale, le président algérien a réitéré la position constante de son pays : la reconnaissance des crimes du passé et la décontamination des sites où la France a mené des essais nucléaires sont des préalables indispensables à une véritable réconciliation. Il a rappelé que ces questions ne sauraient être éludées et qu’une démarche sincère était nécessaire pour tourner définitivement la page du contentieux historique.

Malgré ces nombreuses tensions, Abdelmadjid Tebboune ne semble pas vouloir rompre le dialogue avec Emmanuel Macron. Il a toutefois prévenu que la balle était désormais dans le camp de l’Élysée. Selon lui, il appartient à la France de clarifier ses positions et de faire preuve d’une volonté réelle d’apaisement pour éviter une détérioration irréversible des relations entre les deux pays.

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