Titres de séjour en France : une nouvelle règle complique tout

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La nouvelle législation sur l’immigration en France, entrée en vigueur début 2025, introduit des exigences linguistiques plus strictes pour les étrangers cherchant à obtenir ou renouveler leurs titres de séjour. Un aspect particulièrement controversé de cette réforme réside dans l’instauration de tests de français, imposant aux étrangers de démontrer un certain niveau de maîtrise de la langue. Cette évolution législative a été détaillée dans une enquête réalisée par le média FranceTV Info, qui met en lumière les nombreuses difficultés rencontrées par les personnes concernées, notamment les plus précaires.

Jusqu’à aujourd’hui, les étrangers souhaitant obtenir un titre de séjour en France signaient un contrat d’intégration républicaine. Ce contrat stipule qu’ils s’engagent à apprendre la langue française, mais ne les obligeait pas à passer un examen formel pour prouver leur niveau. Le texte de la réforme, cependant, impose désormais un test écrit pour renouveler un titre de séjour de deux à quatre ans, un test de niveau collège. Pour les titres de séjour de longue durée, notamment la carte de dix ans, un niveau lycée sera exigé. Quant à la naturalisation, les candidats devront atteindre un niveau universitaire.

Cette nouvelle règle a été justifiée par le gouvernement, qui considère qu’une bonne maîtrise de la langue est essentielle pour l’intégration des étrangers dans la société française. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a souligné à plusieurs reprises que l’effort d’apprentissage de la langue était un signe d’intégration. Selon lui, un étranger en situation régulière qui ne maîtrise pas le français après plusieurs années de séjour en France n’a pas fait l’effort nécessaire pour s’intégrer.

Cependant, cette réforme soulève des préoccupations parmi ceux qui en seront les premiers concernés. À Marseille, FranceTV Info a rencontré plusieurs étrangers en situation régulière fréquentant des cours de français pour améliorer leur niveau. Parmi eux, Marianne, d’origine comorienne, travaille comme femme de ménage et réside en France depuis plus de dix ans. Elle n’a quitté l’école qu’en sixième, n’ayant donc pas acquis un niveau scolaire suffisant pour réussir l’examen écrit imposé par la nouvelle loi. Cette situation est partagée par de nombreux travailleurs immigrés. Pour eux, l’obtention d’un titre de séjour dépend désormais d’un test de français qui leur semble inaccessible.

Cette inquiétude est partagée par Chloé Odent, formatrice au sein de l’association À Voix Haute, spécialisée dans l’enseignement du français aux étrangers. Elle explique qu’il existe des travailleurs étrangers parfaitement capables de communiquer en français au quotidien, mais qui risquent de ne pas réussir l’examen écrit en raison des exigences trop élevées. Chloé évoque les témoignages de nombreux élèves qui, malgré une expérience professionnelle en France et une utilisation quotidienne de la langue, redoutent de ne pas être à la hauteur de cette épreuve, mettant ainsi en péril l’obtention de titres de séjour.

La réforme n’a pas seulement des répercussions sur les individus, mais aussi sur les structures d’accompagnement. Selon FranceTV Info, les dispositifs de formation au français sont eux-mêmes impactés par la nouvelle loi. Le budget alloué à l’enseignement de la langue a été drastiquement réduit, et le nombre d’heures de cours en présentiel a diminué dans de nombreuses structures. À la place, une plateforme en ligne a été mise en place pour permettre aux étrangers de se former. Cependant, cette solution est perçue comme insuffisante par de nombreux acteurs du secteur. Un cadre de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) s’est exprimé anonymement et a souligné que la plateforme ne répondait pas aux besoins des étrangers. Selon lui, beaucoup ne disposent ni d’ordinateur ni de connexion stable, rendant l’accès à cette formation en ligne particulièrement difficile pour ceux qui en ont le plus besoin.

Les conséquences de cette réforme sont donc considérables. Selon les estimations du ministère de l’Intérieur, près de 20 000 étrangers risquent de perdre leurs titres de séjour si, après trois ans, ils n’ont pas atteint le niveau de français requis. De plus, 40 000 autres pourraient voir leur demande de carte de résident rejetée. Ce chiffre soulève des interrogations sur les implications humaines et sociales de cette mesure.

Pour les étrangers souhaitant obtenir la nationalité française, la barre est encore plus haute. FranceTV Info a réalisé une expérience en soumettant plusieurs volontaires français, diplômés de niveau bac à bac+5, à l’examen écrit de niveau universitaire. Les résultats ont été surprenants. Plusieurs candidats, même très diplômés, ont échoué à l’écrit, et certains n’ont pas obtenu la moyenne. Parmi les questions posées lors de l’épreuve, une question sur les « robots émotionnels », qui demande de savoir si un robot peut interpréter, provoquer ou manifester des émotions, a particulièrement déstabilisé les candidats. Ce test, d’une durée d’une heure et demie, a montré que même des individus hautement qualifiés pouvaient se retrouver en difficulté face à une telle exigence.

Le coût de cet examen, estimé à une centaine d’euros, sera à la charge des candidats eux-mêmes. Pour de nombreux étrangers en situation précaire, ce montant représente une charge importante, ce qui pourrait constituer un obstacle supplémentaire à leur intégration en France. De plus, les associations spécialisées dans la préparation à ces tests, comme THOT pour les réfugiés et demandeurs d’asile, alertent sur l’inaccessibilité du niveau exigé. Félix Guyon, délégué général de l’école, estime que le temps de formation nécessaire pour atteindre le niveau requis est largement supérieur à ce que peuvent offrir les formations proposées, qu’elles soient en ligne ou en présentiel.

La mise en œuvre de cette réforme, prévue avant la fin de l’année 2025, continuera de susciter débats et inquiétudes. D’un côté, le gouvernement insiste sur l’importance de l’intégration à travers la langue, tandis que de l’autre, de nombreuses voix s’élèvent contre des tests jugés trop exigeants pour une grande partie des étrangers résidant en France. Les prochaines mois seront donc cruciaux pour évaluer l’impact réel de cette réforme sur les populations concernées et la société française dans son ensemble.

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