Depuis quelques heures, une vague d’inquiétude s’est emparée des réseaux sociaux en Algérie, alimentée par la diffusion d’un nouvel arrêté interministériel qui encadre désormais de manière rigoureuse les transactions effectuées par des particuliers. Certains internautes ont exprimé leur crainte d’une surveillance renforcée sur tous les transferts d’argent en Algérie, mais cette peur généralisée ne concerne pas l’ensemble de la population. Le texte cible spécifiquement une catégorie bien définie : les personnes qui exercent une activité commerciale sans registre de commerce. Les usagers ordinaires ou ceux qui ne tirent pas de bénéfices répétés de leurs opérations financières n’ont pas lieu de s’inquiéter.
Le texte de loi en question, publié au Journal officiel n° 24, a été signé le 30 mars 2025 par deux membres du gouvernement : le ministre des Finances et le ministre du Commerce intérieur et de la Régulation du marché national. Il vise à encadrer ce que l’on désigne comme les transactions à caractère habituel et lucratif réalisées par des personnes physiques. L’arrêté stipule que les opérations concernées sont celles menées « à caractère habituel et répétitif, dans un but lucratif, dont le nombre est égal ou supérieur à trois transactions, au cours d’une même année civile, portant sur des transactions commerciales de même nature, au sens des dispositions du code de commerce ».
Autrement dit, lorsqu’un particulier multiplie les ventes ou les prestations de manière répétée sans disposer de statut légal ou de document autorisant une activité commerciale, il devient assujetti aux règles fiscales. Cette nouvelle régulation touche de plein fouet ceux qui ont fait du commerce en ligne, de la vente de biens ou de services, un mode de vie économique stable, sans passer par les canaux officiels. L’arrêté ne vise donc pas les transferts d’argent occasionnels ou familiaux, mais bien des transactions régulières génératrices de profits.
Les mécanismes de contrôle mis en place reposent sur l’intervention de l’administration fiscale, qui utilisera « tous les moyens de contrôle prévus par la législation fiscale » pour déterminer la fréquence et le caractère lucratif de ces opérations de transferts d’argent en Algérie. En cas de constat d’irrégularité, une première mise en demeure sera adressée à l’intéressé afin qu’il régularise sa situation. Si, après une deuxième mise en demeure, aucune régularisation n’est constatée, l’administration est alors habilitée à dresser un procès-verbal. Toutefois, dans certains cas où la répétition des actes est avérée de manière flagrante, le procès-verbal pourra être établi dès la première constatation, sans avertissement préalable.
Une fois établi, ce procès-verbal, accompagné de tous les éléments de preuve, devra être transmis dans un délai de 30 jours aux services du ministère du Commerce territorialement compétents. Cette transmission permet un suivi administratif et, le cas échéant, des poursuites ou une mise en conformité obligatoire pour le particulier concerné.
Selon Boubkeur Sellami, président du Conseil national de la fiscalité (CNF), cette nouvelle mesure est d’une importance capitale. Il la considère comme un outil juridique majeur pour permettre à l’administration de contrôler les activités commerciales non déclarées, notamment celles qui prospèrent sur Internet. Il a précisé que les activités telles que les ventes immobilières, les services de transport, ou tout autre service générateur de bénéfices, lorsqu’ils sont réalisés à titre répété, relèvent désormais clairement du champ commercial. À ce titre, ils doivent être fiscalisés, même lorsqu’ils sont opérés par des particuliers qui ne possèdent pas de registre de commerce.
Il a ajouté que cette décision s’inscrit dans une politique plus large visant à intégrer progressivement le secteur informel dans le tissu économique formel du pays. Pour l’État algérien, cela représente une tentative de modernisation et de transparence des flux économiques, en captant une part des revenus qui échappaient jusqu’alors à l’impôt et à la régulation.
Cette nouvelle loi ne signifie donc pas que tous les transferts d’argent entre particuliers seront suspectés ou réprimés en Algérie. Les citoyens qui envoient ou reçoivent de l’argent à titre personnel, familial ou exceptionnel, ne sont nullement concernés. La mesure vise une pratique bien précise : celle de tirer un profit régulier de transactions marchandes, sans cadre juridique. La panique exprimée sur les plateformes numériques apparaît ainsi comme le reflet d’un malentendu généralisé, voire d’une désinformation, qui alimente des craintes infondées chez les usagers n’ayant rien à se reprocher.
Ce sont donc les activités informelles déguisées derrière des profils de particuliers sur les réseaux sociaux ou les plateformes de vente en ligne qui sont dans le viseur de cette nouvelle réglementation. Le cadre est désormais défini, les modalités d’application sont connues, et les autorités semblent déterminées à faire appliquer cette disposition sans équivoque.