L’Algérie, le Maroc et l’ONU se retrouvent une nouvelle fois au centre d’un épisode diplomatique d’envergure. Vendredi 31 octobre, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté une résolution sur le Sahara Occidental, une décision qui a suscité de fortes réactions à Alger. Le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a pris la parole pour clarifier la position de l’Algérie et révéler que son pays était « à deux doigts de voter pour » le texte, avant de finalement s’en abstenir à cause d’une disposition jugée inacceptable.
En s’exprimant au nom de l’Algérie, Ahmed Attaf a accusé le Maroc d’avoir tenté d’exercer une pression inhabituelle sur le Conseil de sécurité de l’ONU afin de faire adopter une version du texte favorable à ses intérêts. Le diplomate a souligné que le Maroc voulait « opérer un passage en force » sur la question du Sahara Occidental. L’Algérie, selon lui, a observé une manœuvre visant à transformer profondément la mission de la MINURSO, déployée par l’ONU depuis plusieurs décennies pour superviser le cessez-le-feu et préparer un référendum d’autodétermination.
Le ministre a rappelé que le Conseil de sécurité de l’ONU tient deux réunions annuelles consacrées au Sahara Occidental : une en avril pour évaluer le travail de la MINURSO, et une autre en octobre pour renouveler son mandat. Cette année, a-t-il expliqué, le Maroc a tenté de profiter de cette session pour faire passer trois idées majeures : d’abord la réduction du rôle de la MINURSO, ensuite la reconnaissance du plan d’autonomie marocain comme unique solution au conflit, et enfin la mise à l’écart définitive de l’idée d’un référendum d’autodétermination.
Ahmed Attaf a précisé que la version initiale du projet soutenu par le Maroc prévoyait de limiter le mandat de la MINURSO à seulement trois mois, au lieu d’une année, avant de redéfinir son rôle pour qu’il devienne un instrument d’appui au plan d’autonomie marocain. Cette approche, selon l’Algérie, représentait un déséquilibre flagrant et un contournement du droit international.
Dans le texte finalement adopté, la donne a changé. Le Conseil de sécurité de l’ONU a choisi de maintenir le mandat de la MINURSO pour une année complète. Les références directes à la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental, initialement souhaitées par le Maroc, ont été retirées du document final. Le plan d’autonomie marocain n’est plus présenté comme la seule option de règlement, et le droit à l’autodétermination est désormais replacé dans son cadre juridique original, celui du droit international, conformément à la Charte de l’ONU.
C’est à ce moment qu’Ahmed Attaf a révélé un détail passé inaperçu : « L’Algérie était à deux doigts de voter pour la résolution adoptée par l’ONU », a-t-il affirmé. Dans la nuit précédant le vote, la délégation algérienne avait proposé de supprimer une mention du préambule évoquant la souveraineté marocaine. Si cette modification avait été acceptée, l’Algérie aurait voté pour. Mais le passage en question a été maintenu, poussant Alger à s’abstenir, refusant de cautionner un texte comportant encore, même symboliquement, une référence au Maroc.
Pour l’Algérie, cette décision n’était pas un geste d’opposition systématique envers le Maroc, mais une question de principe. Ahmed Attaf a insisté sur le fait que l’Algérie reste attachée à une solution politique négociée sous l’égide de l’ONU, respectant pleinement le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. Il a également rappelé que la position d’Alger est fondée sur la légalité internationale et non sur des considérations bilatérales avec le Maroc.
Cet épisode met une nouvelle fois en lumière la complexité du dossier du Sahara Occidental, où les intérêts de l’Algérie, du Maroc et de l’ONU s’entrecroisent. Le Maroc continue de défendre son plan d’autonomie comme la seule voie crédible, tandis que l’Algérie appelle à la reprise de véritables négociations encadrées par l’ONU, sans conditions préalables et avec un respect intégral des résolutions antérieures.
Au final, la phrase d’Ahmed Attaf résume bien l’état d’esprit de la diplomatie algérienne : l’Algérie n’était pas loin de voter pour la résolution de l’ONU, mais pas au prix d’un compromis sur un principe jugé non négociable. Entre prudence diplomatique et attachement au droit international, l’Algérie entend maintenir sa ligne, tandis que le Maroc, de son côté, continue de défendre sa souveraineté sur le Sahara Occidental avec la même détermination. Les regards se tournent désormais vers l’ONU, qui devra à nouveau jouer les équilibristes pour préserver un fragile consensus entre l’Algérie et le Maroc dans ce dossier vieux de plusieurs décennies.