Algérie : des Algériens de France « abasourdis »

Algérie France demande APS

Derrière l’effervescence des marchands et des clients à Barbès, un malaise palpable règne parmi la diaspora algérienne. Les tensions entre la France et l’Algérie s’intensifient, et nombreux sont ceux qui suivent avec appréhension cette relation complexe qui affecte leur quotidien, parfois de manière insidieuse. Dans ce sens, France 24 a reccueilli des témoignages d’Algériens, au sujet de la crise entre les deux pays. 

Mahjoub Youssef, originaire d’Alger et employé dans une boutique de pâtisseries, s’affaire à servir les clients. Les douceurs parfumées à la fleur d’oranger et les dattes sucrées s’arrachent en cette période de ramadan. Si le commerce prospère, l’ambiance, elle, est teintée d’une certaine réserve. « Les tensions diplomatiques ? Ce n’est pas mon problème et ça ne me regarde pas. Donner mon avis ? Ça ne m’attire que des ennuis », souffle-t-il, traduisant une prudence partagée par bien d’autres.

Yassine, 36 ans, patron d’une boutique de viande halal en Seine-Saint-Denis, exprime une opinion plus mesurée. Pour lui, le quartier est un microcosme où coexistent différentes communautés sans heurts. Franco-Algérien, il se sent autant attaché à l’un qu’à l’autre. « Nous travaillons avec des Français, des musulmans, des chrétiens, des juifs sans problème », explique-t-il. Pourtant, la rhétorique politique l’exaspère. « La dernière fois, un politicien a dit ‘Les Algériens sont des voyous’. Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre ! », déplore-t-il, préférant se tenir à l’écart des débats politiques.

Mouloud, originaire d’Annaba et installé en France depuis 35 ans, garde un regard pragmatique sur la situation. Propriétaire d’une boutique de dattes, il observe avec détachement les remous diplomatiques. « Ce sont des crises passagères. La seule chose importante, c’est d’avoir une bonne relation entre les deux pays. » Pourtant, il reconnaît que « la relation en yo-yo, depuis la colonisation, laisse des séquelles » et que les conséquences se ressentent autant économiquement que culturellement.

Dounia et Neïla, deux jeunes femmes de 30 et 24 ans, vivent ces tensions avec plus de perplexité. Nées en France de parents algériens, elles évoluent dans le milieu artistique parisien, l’une dans le design, l’autre dans la musique. « L’actualité est fatigante et anxiogène. À force, nous arrêtons de la suivre », avoue Dounia. Pour elles, la position de l’Algérie vis-à-vis de la France s’explique aisément : « Avec l’histoire de la colonisation et les crimes français pendant la guerre d’Algérie, c’est compréhensible. »

La perception de l’islam en France et les débats sur le voile renforcent leur sentiment d’être étrangères dans leur propre pays. « Au bled, nous sommes Françaises, et à Paris, nous sommes étrangères », confie Dounia, illustrant ce tiraillement identitaire qui touche nombre de Franco-Algériens.

Myriam, 81 ans, d’origine kabyle, observe avec amertume le climat actuel. « Les gens autour de moi sont abasourdis par la situation et le climat médiatique. » Attachée aux deux pays, elle regrette l’absence de dialogue qui, selon elle, est à l’origine de cette tension. « En écoutant l’autre, il est plus facile de trouver un compromis. » Toutefois, elle ne cautionne pas la passivité. « On ne peut pas tout avaler sans réagir et c’est parfaitement normal. »

Concernant la déclaration du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau sur la « riposte graduée » de la France face au refus de l’Algérie de reprendre ses ressortissants expulsés, elle affiche son scepticisme. « Ce n’est pas en se bagarrant tout de suite d’emblée que l’on obtient ce que l’on veut », conclut-elle avec sagesse.

Dans cette tension diplomatique persistante, la diaspora algérienne en France oscille entre résignation, lassitude et espoir d’un avenir plus serein. Une relation franco-algérienne toujours marquée par l’histoire, où chacun tente de naviguer entre attachement et distance.

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