L’annonce de l’augmentation de l’allocation touristique en Algérie a suscité un large débat, tant sur son montant que sur les modalités de son attribution. Si la décision d’élever cette allocation à 750 euros pour les adultes et 300 euros pour les mineurs a été bien accueillie par certains, elle soulève néanmoins de nombreuses interrogations quant à son application. En effet, la Banque d’Algérie n’a toujours pas précisé les conditions exactes de distribution de cette somme, laissant place à des spéculations et à des propositions diverses pour rendre son octroi plus efficace et accessible aux citoyens.
L’un des points cruciaux abordés dans cette réforme concerne le mécanisme de distribution de l’allocation touristique. Actuellement, l’allocation touristique est octroyée via les banques commerciales, un système qui, malgré ses imperfections, est jugé plus accessible pour la majorité des citoyens. L’expert en économie Mahfoud Kaoubi a ainsi proposé de conserver ce mécanisme, afin d’éviter aux citoyens d’avoir à se rendre dans les agences de la Banque d’Algérie, dont le réseau reste limité. Selon lui, maintenir l’octroi de cette allocation via les banques commerciales permettrait d’éviter une centralisation excessive et de garantir une distribution plus fluide.
Pour appuyer son argumentation, l’expert met en avant les limites du réseau des agences de la Banque d’Algérie, qui sont principalement concentrées dans les grandes villes. « Comment prévoir le dépôt d’un dossier dans une agence de la Banque d’Algérie qui n’existe parfois que dans les chefs-lieux de wilayas ou des chefs-lieux de daïras ? » s’interroge-t-il, pointant du doigt les difficultés logistiques qu’engendrerait une modification du système actuel. Il estime que la complexification des procédures administratives pourrait non seulement créer des blocages inutiles, mais également susciter le mécontentement des citoyens, qui pourraient être confrontés à de longues files d’attente et à un accès restreint à leur allocation.
Par ailleurs, Mahfoud Kaoubi insiste sur le fait que cette allocation, bien qu’augmentée de manière significative par rapport aux 100 euros alloués auparavant, reste insuffisante pour couvrir les frais de voyage d’un Algérien à l’étranger. « Même si elle est augmentée sept fois plus que les 100 euros alloués précédemment, elle reste insuffisante pour le voyageur algérien », souligne-t-il. En prenant l’exemple de 4 millions de demandeurs potentiels, il met en garde contre les éventuelles pressions que cette nouvelle allocation pourrait exercer sur les réserves de change du pays. Selon lui, cette réforme, bien que positive pour le pouvoir d’achat, doit être accompagnée d’une réflexion plus globale sur la gestion des devises en Algérie et sur la régulation du marché parallèle.
Un autre aspect soulevé par l’économiste concerne la dualité entre le marché officiel et le marché parallèle des devises. Il considère que le véritable problème à régler n’est pas tant le montant de l’allocation touristique, mais plutôt l’écart entre le taux de change officiel et le taux appliqué sur le marché informel. « La dualité des prix est à l’origine de la dualité des marchés », explique-t-il, en ajoutant que « des prix unifiés donnent des marchés unifiés ». Il préconise donc une réforme en profondeur du système de change, qui permettrait d’éliminer cette distorsion et de renforcer la transparence des transactions en devises.
En outre, il insiste sur le fait que les mesures administratives prises jusqu’à présent pour lutter contre le marché informel des devises ont atteint leurs limites. Pour lui, il est désormais temps d’envisager une approche plus structurelle, qui passe par une révision du système de change lui-même. « Réviser le système de change est une décision difficile, mais si l’on veut régler le problème de l’économie algérienne, c’est une étape incontournable », affirme-t-il. Cette révision pourrait, selon lui, permettre de stabiliser le marché des devises et d’assurer une allocation plus équitable des ressources en devises étrangères.
Concernant l’application de l’allocation touristique, Mahfoud Kaoubi met en garde contre toute tentative de bureaucratiser davantage le processus. Il souligne qu’imposer des procédures trop complexes risquerait de créer des difficultés inutiles pour les citoyens. « L’idéal serait de rester sur le système tel qu’il est aujourd’hui et de faire éventuellement un contrôle a posteriori au passage des voyageurs au niveau des douanes », propose-t-il. Cette approche permettrait, selon lui, d’assurer une distribution plus fluide de l’allocation tout en maintenant un certain contrôle sur son usage.
Dans le cadre de cette réforme, des bureaux de change ont déjà été installés à l’aéroport international d’Alger et à la gare maritime du port d’Alger. Cette initiative vise à offrir une alternative plus formelle aux voyageurs et à réduire la dépendance au marché parallèle. Toutefois, certains observateurs estiment que ces bureaux ne suffiront pas à absorber toute la demande et que des mesures supplémentaires seront nécessaires pour garantir un accès équitable aux devises.
En définitive, la question de l’allocation touristique dépasse largement le simple cadre d’une augmentation du montant alloué aux voyageurs. Elle soulève des problématiques économiques plus larges, notamment la gestion des réserves de change, la lutte contre le marché parallèle et la réforme du système de change. Si l’idée d’un montant plus élevé est perçue comme une avancée, sa mise en œuvre devra être accompagnée de réformes structurelles pour éviter toute pression excessive sur l’économie nationale.
Mahfoud Kaoubi, tout en saluant l’initiative de la hausse de l’allocation, appelle ainsi à une réflexion plus approfondie sur la gestion des devises en Algérie. Il estime que la solution ne réside pas seulement dans l’augmentation du montant accordé aux citoyens, mais surtout dans la manière dont ces devises sont distribuées et régulées. En attendant les instructions officielles de la Banque d’Algérie, le débat reste ouvert sur la meilleure façon d’assurer une allocation juste et efficace des ressources en devises étrangères.
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