Actualité politique – La polémique enfle depuis quelques semaines sur la question des archives de la guerre d’Algérie en France. En effet, plusieurs historiens ont dénoncé la volonté des autorités françaises de verrouiller l’accès aux archives de cette période.
Plusieurs historiens ont en effet saisi le Conseil d’État français, pour demander l’annulation d’une instruction interministérielle qui réduit l’accès aux archives relatives à plusieurs périodes de l’Histoire, dont la guerre d’Algérie. L’instruction en question, datée du 13 novembre 2020, interdit en effet l’accès à toutes les archives estampillées « secret défense » entre 1934 et 1970. Plusieurs historiens et chercheurs ont ainsi dénoncé cette mesure, qui est en contradiction avec une loi de 2008 qui rendait toutes les archives accessibles après un délai de 50 ans. « Le problème est que cela rend impossible d’écrire l’histoire de notre pays. C’est comme si l’État se posait en directeur de recherches, de thèses, et que c’était lui qui décidait de ce qui pouvait être écrit ou dit », a dénoncé Pierre Mansat, président de l’association Josette et Maurice Audin cité par Ouest-France. « Cette instruction se prétend au-dessus de la loi de 2008 », a-t-il dit.
Ainsi, une pétition signée par plus de 18.000 historiens, chercheurs et archivistes a été adressée au Conseil d’État français pour demander l’annulation de cette instruction. « Cela crée des tensions avec les pays anciennement colonisés, ce sont les premiers qui se sont intéressés à notre recours », a déclaré de son côté Clément Thibaud, membre de l’Association des historiens contemporanéistes de l’enseignement supérieur et de la recherche (AHCESR) et ancien professeur d’Histoire contemporaine à l’Université de Nantes.
Archives de la guerre d’Algérie en France : un sujet épineux entre les deux pays
Notons que l’instruction interministérielle sus-citée concerne notamment les archives de la guerre d’Algérie (1954-1962), qui restent au cœur des relations entre les deux pays depuis plusieurs dizaines d’années. Le conseiller auprès de la présidence algérienne chargé des archives nationales, Abdelmadjid Chikhi s’est d’ailleurs récemment penché sur cette question. « L’Algérie réclame la totalité de ses archives, dont une grande partie se trouve en France, qui a toujours avancé de faux prétextes, comme par exemple la déclassification de nombre d’archives pourtant réunies depuis plusieurs décennies », avait-il déclaré le 21 décembre 2020.
De son côté, l’historien Benjamin Stora, qui a récemment remis un rapport sur la question mémorielle à la présidence française, s’est également dit favorable à l’ouverture des archives relatives à la guerre d’Algérie. « Il faut profiter de la révolution numérique pour mettre en commun ce patrimoine extraordinaire pour la connaissance ancienne de l’Algérie », a-t-il dit le 20 janvier dernier, en ajoutant qu’« il y aura des surprises » en cas d’ouverture des archives relatives à cette période. « La France a procédé à des bombardements au napalm que les militaires appelaient les « bidons spéciaux », à des poses de mines aux frontières (…). Il y a aussi les conséquences des essais nucléaires, dont plusieurs à l’air libre, et enfin, les disparus français et algériens », a expliqué l’historien français.
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