France : l’affaire « Justin P » met hors d’eux les Algériens

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Une tragédie glaçante survenue à Nantes le jeudi 24 avril continue de faire réagir bien au-delà des frontières françaises. Ce jour-là, vers 12h30, Justin P., un lycéen scolarisé dans l’établissement privé Notre-Dame-de-Toutes-Aides, a semé la terreur en poignardant quatre de ses camarades. L’attaque a été d’une rare violence, notamment envers une élève de 15 ans qui a succombé à ses blessures. Le jeune assaillant a porté à cette dernière pas moins de 57 coups de couteau, concentrés sur la partie supérieure de son corps, selon les révélations glaçantes du procureur de la République de Nantes, Antoine Leroy. Il a été précisé lors d’une conférence de presse que les coups mortels avaient atteint la veine jugulaire et la carotide. L’acharnement de Justin P. a continué même après que la victime était tombée au sol, les témoins indiquant qu’il s’était obstiné à frapper, dans un état de violence que beaucoup peinent encore à décrire. Ce qui a choqué les Algériens de France, c’est le traitement médiatique réservé au mis en cause, Justin P.

Les trois autres élèves blessés l’ont été dans ce que le procureur qualifie d’agression aléatoire. Il n’y avait pas de conflit préalable identifié, pas de mobile précis établi. Pourtant, ce qui retient particulièrement l’attention, c’est que la jeune fille tuée était, selon les mots du procureur, « la seule personne avec qui il avait un dialogue de qualité dans le lycée ». Une relation cordiale, voire apaisée, entre les deux adolescents, ce qui rend le geste encore plus incompréhensible. L’enquête a vite écarté l’hypothèse d’une relation amoureuse ou d’une dispute, renforçant l’idée que Justin P. a agi sous l’emprise d’un trouble profond. Ce dernier a d’ailleurs été rapidement interné en psychiatrie, les médecins estimant que son état mental ne lui permettait pas de faire l’objet d’une mesure de garde à vue. L’internement a été ordonné sans qu’il ne soit jugé, ce qui a immédiatement déclenché une vague d’indignation, notamment en ligne.

Affaire Justin P : les Algériens de France outrés

Sur les réseaux sociaux, un grand nombre d’internautes, notamment algériens établis en France ont taclé le traitement médiatique jugé complaisant pour l’affaire Justin P. Beaucoup s’indignent que le mis en cause soit présenté comme un « adolescent fragile » par les médias français. Pour ces mêmes internautes, le narratif aurait été totalement différent si l’auteur avait porté un prénom d’origine maghrébine ou s’il avait été Algérien résident en France ou Franco-Algérien. Ils évoquent un double standard dans la façon dont les médias et parfois même la justice présentent les suspects selon leur origine. Certains utilisateurs relèvent que dans d’autres affaires similaires impliquant des personnes perçues comme issues de l’immigration, les termes de « radicalisé », « terroriste » ou « extrémiste » sont employés dès les premières minutes, avant même que les enquêtes ne soient bouclées ou que l’état mental du suspect ne soit évalué.

Cette perception de traitement inégal nourrit un ressentiment ancien au sein de certaines communautés, qui dénoncent depuis longtemps une stigmatisation systématique de leurs membres, en particulier lorsqu’un drame survient. L’affaire Justin P. est ainsi devenue, pour beaucoup, un symbole d’une justice à deux vitesses, où la couleur de peau, le prénom ou l’origine sociale et culturelle d’un individu peuvent influencer la manière dont il est perçu et traité, tant par les médias que par les institutions. Ce sentiment d’injustice dépasse le cadre de ce fait divers dramatique et relance le débat, en France, sur les biais implicites dans les discours publics et sur l’égalité réelle devant la loi.

Pendant ce temps, au sein de l’établissement endeuillé, la douleur est vive. Une cellule psychologique a été mise en place pour soutenir élèves et enseignants, profondément marqués par la violence de l’attaque. Les cours ont été suspendus durant plusieurs jours, alors que les familles cherchent à faire leur deuil dans un climat d’incompréhension totale. Les proches de la jeune fille tuée réclament des réponses, espérant que l’enquête permettra au moins de faire la lumière sur les raisons de ce passage à l’acte d’une brutalité extrême.

L’affaire Justin P., au-delà de l’émotion et du choc qu’elle suscite, soulève ainsi une question essentielle et particulièrement sensible : celle de l’égalité de traitement face à la justice et aux médias. Une question d’autant plus brûlante dans un contexte où les tensions sociales liées aux questions identitaires n’ont jamais vraiment disparu du débat public. Pour de nombreux Algériens et Franco-Algériens, la tournure prise par cette affaire est un révélateur, une énième démonstration selon eux, de ce qu’ils perçoivent comme un déséquilibre persistant dans la narration des drames lorsqu’ils touchent ou non les enfants de l’immigration.