Mohamed, un Algérien âgé de 34 ans, vit en France depuis plus de cinq ans et travaille depuis 2022 comme chauffeur de bus à la RATP. Pourtant, aujourd’hui, cet Algérien fait face à une situation critique qui pourrait bouleverser son existence : son titre de séjour n’a toujours pas été renouvelé. Malgré une demande effectuée en octobre dernier auprès de l’Administration numérique des étrangers en France (Anef), cet Algérien, salarié régulier et apprécié de ses collègues, se retrouve suspendu de ses fonctions, sans revenu et sous la menace d’un licenciement.
Il a accordé un témoignage à France 3, dans lequel il partage ses inquiétudes : « J’ai peur de me retrouver sans-papiers et sans travail », confie-t-il avec angoisse. L’absence de réponse de la préfecture des Hauts-de-Seine, malgré ses multiples tentatives de contact — mails, lettres recommandées, appels téléphoniques et déplacements sur place — laisse Mohamed dans une impasse. Ce blocage administratif autour de son titre de séjour a pour lui des conséquences dramatiques.
La RATP, dans un courrier daté du 15 avril, l’a averti de la suspension de son contrat faute de titre de séjour ou de récépissé valide. L’entreprise publique précise que, sans régularisation sous trois mois, son contrat sera définitivement rompu. Pour un Algérien comme Mohamed, dont le titre de séjour est le seul document permettant de rester en règle sur le territoire français, cette situation est synonyme d’effondrement. L’impact est non seulement professionnel mais aussi personnel : père de famille, il se retrouve sans ressources pour subvenir aux besoins de son foyer. Il confie à France 3 : « On m’a posé un mois de vacances et après je suis sans solde. Je risque d’être licencié définitivement. Je me retrouve sans revenus alors que j’ai une enfant, avec un loyer à payer. Je ne comprends pas. Je suis un bosseur, j’aime mon travail, mes collègues me soutiennent. Et pour la première fois je me retrouve bloqué chez moi à ne rien pouvoir faire. Je déprime, je vérifie en permanence mon téléphone. »
Cette situation, loin d’être isolée, illustre les failles d’un système administratif surchargé. Ahmed Berrahal, élu CGT-RATP, a tiré la sonnette d’alarme. Selon lui, plusieurs agents de la RATP, souvent des Algériens en situation régulière, se retrouvent dans la même impasse liée à un titre de séjour bloqué. Il déclare à France 3 : « Il se retrouve sans salaire et il va se faire virer. C’est un agent adorable, tout le monde l’aime. C’est un excellent chauffeur de bus, et il se retrouve dans une grande précarité pour des questions administratives à cause d’une administration défaillante, alors qu’il a fait toutes les démarches. Il pourrait même se faire expulser. Il n’y est pour rien, ce n’est pas normal. » Le syndicaliste interpelle directement Jean Castex, président-directeur général de la RATP, pour qu’il intervienne auprès de la préfecture afin d’accélérer la procédure. « La RATP dit qu’elle ne peut rien faire, que c’est la loi. Mais on parle d’un établissement public, avec un service juridique qui pourrait apporter de l’aide. On nous dit souvent que notre entreprise est une grande famille. »
Ahmed Berrahal pointe aussi une possible discrimination ou durcissement implicite vis-à-vis des ressortissants algériens : « Est-ce que le contexte des tensions entre l’Algérie et la France joue sur la façon dont sont traités les dossiers comme celui de Mohamed ? » s’interroge-t-il. Ce qui est sûr, ajoute-t-il, c’est que « ce n’est pas un cas unique », et qu’il a déjà reçu plusieurs appels de machinistes algériens confrontés à des problèmes similaires avec leur titre de séjour, quelles que soient les préfectures concernées. La RATP, qui emploie près de 65 000 salariés dont plusieurs centaines d’Algériens avec un titre de séjour en règle, semble impuissante face à l’engorgement administratif actuel.
À l’heure actuelle, ni la préfecture des Hauts-de-Seine ni la RATP n’ont répondu aux sollicitations de France 3. Mais pour Mohamed, chaque jour compte. L’avenir d’un Algérien en France peut basculer à cause d’un simple blocage de titre de séjour.