Dossier mémoriel – Alors que le débat sur la colonisation française et la guerre d’Algérie est revenu au cœur de l’actualité, les viols coloniaux pendant cette période continuent, quant à eux de constituer un tabou tant en Algérie qu’en France.
La question mémorielle et la guerre d’Algérie sont en effet revenus au cœur de l’actualité ces derniers mois. Le débat sur ces questions, qui constituent l’un des principaux axes de la politique d’Emmanuel Macron vis-à-vis de l’Algérie, a en effet été relancé depuis la présentation du rapport de Benjamin Stora à l’Élysée le 20 janvier dernier. Dans son travail, l’historien français a fait plus d’une centaine de recommandations sensées aller dans le sens de la « réconciliation des mémoires » entre les deux pays.
Toutefois, le rapport de Benjamin Stora a été loin de faire l’unanimité, tant en Algérie qu’en France. Dans ce sens, le Comité national de liaison des Harkis (CNLH) a accusé l’historien français d’avoir fait preuve de « minimalisme » vis-à-vis des revendications de cette catégorie de personnes. En effet, la proposition de Benjamin Stora de faciliter les déplacement des harkis et de leurs enfants entre les deux rives de la Méditerranée a été qualifiée de « poudre aux yeux » par le CNLH dans un communiqué rendu public le 22 janvier dernier.
En Algérie, l’Organisation nationale des Moudjahidines (ONM) a accusé Benjamin Stora de vouloir « mettre la victime et le bourreau sur un même pied d’égalité ». Le secrétaire général par intérim de l’ONM, Mohand Ouamar Benelhadj, est même allé jusqu’à qualifier le travail sur la question mémorielle de « perte de temps » dans un communiqué publié il y a quelques jours par son organisation.
Les viols coloniaux : l’autre face de la guerre d’Algérie
Toutefois, et malgré les efforts affichés de la part des deux pays de travailler sur ce dossier, un sujet est resté tabou et n’a été évoqué ni du côté français, ni côté algérien. Il s’agit des viols coloniaux pendant la guerre d’Algérie, dont ont été victimes principalement des femmes proches du mouvement indépendantiste algérien à cette époque. Dans une enquête réalisée cette semaine, le journal français Le Monde a republié les témoignages de plusieurs victimes de viols au cours de ce conflit.
Il s’agit, entre autres, de la militante indépendantiste et ancienne sénatrice du FLN Louisette Ighilahriz. En 1957, alors que le FLN avait porté la lutte armée jusqu’au coeur de la capitale pendant la bataille d’Alger, Mme Ighilahriz, alors âgée de 20 ans a été arrêtée et conduite au siège de la 10e division parachutiste à Alger. « J’étais allongée nue, toujours nue (…) Dès que j’entendais le bruit de leurs bottes, je me mettais à trembler (…) Le plus dur c’est de tenir les premiers jours, de s’habituer à la douleur. Après on se détache mentalement. C’est un peu comme si le corps se mettait à flotter… », a-t-elle déclaré.
Son salut, Louisette Ighilahriz le doit à un certain commandant Richaud, qui l’a évacuée à l’hôpital de Bab El Oued (ex-Maillot) d’où elle a ensuite été transférée en prison. Pourtant, elle ne retrouvera jamais son sauveur malgré des années de recherches, celui-ci étant décédé en 1998.
Baya Laribi, autre victime des viols coloniaux pendant la guerre d’Algérie, a également livré son témoignage sur un sujet qui reste encore largement occulté. Cette dernière a affirmé avoir subi des sévices aux mains du capitaine Graziani, qui était alors sous les ordres du général Jacques Massu. « Tant que j’ai mis des enfants au monde, il me semblait que j’allais bien. En prenant ma retraite, j’ai brusquement replongé et les années de terrorisme, au même moment, on encore aggravé les choses », a-t-elle dit.
Comme Louisette Ighilahriz et Baya Laribi, elles sont des centaines, voire des milliers de femmes à avoir subi des viols pendant ce conflit. Plus d’un demi-siècle après, ce sujet reste largement ignoré tant de la part des autorités françaises que de leurs homologues algériennes, en dépit de leur volonté affichée de mener un débat sur la colonisation qui aboutirait à une « réconciliation des mémoires » entre les deux pays.
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