Le nombre de visas délivrés par la France aux ressortissants algériens a connu une chute spectaculaire ces dernières semaines, alimentant une nouvelle vague de tensions entre Paris et Alger. Selon une enquête menée par Le Point, le mois de janvier a enregistré une baisse de 28 % du nombre de visas accordés aux Algériens par rapport à la même période en 2024. Une statistique qui, au-delà de sa froideur numérique, témoigne d’une réalité bien plus préoccupante : un durcissement manifeste de la politique migratoire française à l’égard des Algériens.
Derrière cette chute vertigineuse, plusieurs facteurs entrent en jeu. Certains observateurs estiment qu’il s’agit d’un effet direct des tensions diplomatiques récurrentes entre la France et l’Algérie. Pour une source sécuritaire citée par Le Point, cette tendance pourrait être une illustration d’un phénomène « à la danoise », où le durcissement du discours politique entraîne de facto une réduction des flux migratoires avant même la mise en place de nouvelles mesures restrictives.
Depuis plusieurs semaines, l’horizon des relations franco-algériennes est assombri par des échanges tendus. Paris et Alger traversent une énième période de crispation après des déclarations virulentes de plusieurs responsables politiques français. En réponse, l’Algérie a dénoncé ce qu’elle perçoit comme l’influence croissante d’une « extrême droite revancharde » en France, capable d’influer sur la politique migratoire du pays.
Le spectre d’une nouvelle « guerre des visas » plane donc, un scénario qui s’est déjà joué par le passé, notamment en 2021, lorsque la France avait drastiquement réduit le nombre de visas accordés aux Algériens, ainsi qu’aux Marocains et aux Tunisiens, en représailles contre le manque de coopération de leurs gouvernements en matière de réadmission des ressortissants en situation irrégulière.
Serge Slama, professeur de droit à l’université Grenoble-Alpes, rappelle d’ailleurs que « chaque fois qu’il y a une crise entre la France et l’Algérie, la principale mesure de rétorsion, c’est sur l’immigration ». Une affirmation qui trouve un écho dans la série d’événements récents ayant exacerbé les tensions : le soutien affiché par Paris au plan d’autonomie marocain au Sahara occidental, la détention en Algérie de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, ou encore l’arrestation en France de plusieurs influenceurs algériens et franco-algériens accusés d’apologie de la violence.
Le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, n’a pas hésité à mettre de l’huile sur le feu en plaidant pour une refonte de l’accord de 1968, qui encadre les conditions d’entrée et de séjour des Algériens en France. Il estime que cet accord, plus avantageux pour les ressortissants algériens que les accords appliqués aux citoyens d’autres pays, devrait être revu. « Je suis favorable à des mesures fortes, car sans rapport de forces, on n’y arrivera pas », a-t-il déclaré dimanche.
Dans le même temps, le ministre accuse l’Algérie de ne pas délivrer suffisamment de laissez-passer consulaires, ces documents nécessaires pour renvoyer un ressortissant en situation irrégulière dans son pays d’origine. Une critique qui, en filigrane, traduit l’exaspération des autorités françaises face aux blocages persistants sur le dossier migratoire.
Malgré cette escalade verbale et les décisions restrictives en matière de visas, ni Paris ni Alger ne semblent encore avoir actionné « l’arme migratoire » de manière explicite. Un équilibre fragile, mais qui pourrait basculer à tout moment, à mesure que la pression politique s’intensifie des deux côtés de la Méditerranée.
En attendant, ce sont les demandeurs de visas qui paient le prix fort. Entre délais allongés, refus massifs et absence de transparence sur les critères d’acceptation, nombreux sont ceux qui se retrouvent dans l’impasse, forcés de reporter ou d’abandonner leurs projets de voyage en France. Une situation qui ne manque pas d’alimenter un sentiment d’injustice et de frustration, alors que la relation entre les deux pays reste marquée par une histoire complexe et des liens humains profondément ancrés.
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