Trois jours après un discours retentissant de Mohammed VI à l’occasion de l’anniversaire de l’occupation du Sahara occidental, son ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a intensifié la tension entre le Maroc et l’Algérie en accusant cette dernière de chercher à mener une guerre contre le royaume. Cette escalade verbale s’inscrit dans un contexte politique où les enjeux diplomatiques et militaires deviennent de plus en plus sensibles entre les deux pays, exacerbés par des changements internationaux.
Dans son discours du 6 novembre, le roi Mohammed VI a employé un ton inhabituel pour évoquer indirectement l’Algérie sans la nommer explicitement, mais en lançant des sous-entendus ciblés. Faisant référence aux réfugiés de Tindouf, qu’il accuse d’être « tenus en otage dans des conditions lamentables », Mohammed VI a aussi visé ceux qui, selon lui, « réclament toujours la tenue d’un référendum » au Sahara occidental, un sujet hautement sensible qui divise les deux nations depuis plusieurs décennies. Ce discours portait des accusations implicites mais claires à l’encontre de l’Algérie, que le roi accuse d’instrumentaliser la question du Sahara pour « accéder à l’Atlantique » et détourner l’attention de ses problèmes internes.
Mais si les propos de Mohammed VI avaient déjà soulevé des interrogations quant aux intentions du Maroc, les déclarations de Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, ont accentué le climat de confrontation. Le 8 novembre, s’exprimant devant la commission des affaires étrangères et de défense du Parlement marocain, Bourita a sonné l’alarme sur ce qu’il qualifie de « velléités belliqueuses » de l’Algérie, laissant entendre que cette dernière chercherait à « escalader » les tensions. Selon lui, des « indicateurs » démontreraient une intention de l’Algérie de déclencher un conflit militaire contre le Maroc. Cette déclaration s’est rapidement propagée à travers les médias marocains, amplifiant la portée de ses accusations.
La presse marocaine, dont le site Yabiladi, a largement relayé ces propos, soulignant que Bourita a même affirmé que l’Algérie verrait dans la guerre le moyen de contrer les récents « succès » diplomatiques du Maroc, en particulier les soutiens obtenus sur la scène internationale quant à sa souveraineté revendiquée sur le Sahara occidental. Ces succès incluent notamment la reconnaissance de la France de la souveraineté marocaine, un tournant majeur dans la diplomatie marocaine.
Pour les observateurs, le choix de ce moment précis pour lancer ces accusations n’est pas anodin. Cette sortie intervient à peine une semaine après les célébrations marquant le 70e anniversaire de la révolution algérienne, qui se sont accompagnées d’un impressionnant défilé militaire, soulignant la puissance de l’Armée Nationale Populaire (ANP) algérienne. Cependant, le président Abdelmadjid Tebboune avait insisté dans son allocution que la doctrine militaire de l’Algérie est strictement « défensive », précisant que l’armement de l’ANP est exclusivement destiné à la défense de la souveraineté nationale et non à l’agression.
Cette clarification de Tebboune n’a visiblement pas calmé le Maroc, qui a intensifié sa rhétorique en mettant l’accent sur une supposée menace militaire de l’Algérie. La stratégie marocaine semble s’appuyer sur des développements récents dans les relations internationales. En effet, les accusations de Bourita interviennent dans un contexte de changements significatifs, notamment un rapprochement franco-marocain autour du dossier du Sahara et la perspective d’un retour de Donald Trump au pouvoir aux États-Unis. Trump, en 2020, avait reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara en échange de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël, une position que Bourita semble espérer voir à nouveau soutenue.
Cette posture marocaine soulève des questions sur les véritables intentions de Rabat, qui s’attaque à l’Algérie tout en se positionnant comme une victime potentielle de son voisin. Paradoxalement, en accusant l’Algérie d’agression, le Maroc intensifie lui-même le ton de l’escalade, dans ce qui pourrait être perçu comme une tentative de mettre l’Algérie sur la défensive face aux évolutions diplomatiques en cours. Ce positionnement pourrait aussi viser à consolider un soutien international en sa faveur, en peignant l’Algérie comme une puissance déstabilisatrice dans la région.
Le royaume marocain semble ainsi jouer une carte risquée, cherchant à tirer profit d’un contexte international qui lui est actuellement favorable, selon ses calculs. Mais cette stratégie pourrait aussi renforcer la détermination de l’Algérie à défendre sa position dans la région, rendant d’autant plus incertain l’avenir des relations bilatérales.
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